Réflexions sur la photo de rue et les passants/sujets

[Rémy G.]

Bonsoir,

Je créée ce topic pour ne pas faire du hors sujet sur le fil ouvert Flou d'avant plan.

Cette photo de romu publiée dans ce fil (j'espère que tu ne m'en voudra pas de l'utiliser ici pour illustrer ma "question") m'a frappé et m'a fait pensé à ce qui est une difficulté pour moi : prendre en photo les gens dans la rue "sur le vif", sans qu'ils ne posent, et de près.

Sur cette photo, je me sens vraiment au milieu de la rame, coincé entre les gens et ça me plaît.

Sur une image comme celle-ci, où la personne au premier plan à forcément vu que le photographe (ici, romu) prenais la photo, je me suis demandé comment la personne s'est comporté après coup ?

J'aimerai beaucoup réaliser ce genre de photo, souvent dans la rue, je vois quelqu'un, je saisi mon appareil, mais je n'ai pas encore franchi le pas de le porter à mon œil et de déclencher, pas de si près...

Je me doute bien qu'il n'y a pas de recette miracle, mais si n'importe qui à envie de me dire quelque chose à ce sujet, n'hésitez pas, ça m'intéresserait vraiment.

Comment réagissent les gens, allez vous vers eux ensuite, ou bien vous faites "comme si" ce n'étaient pas eux que vous preniez en photo...? Je trouve qu'il y a un cap à franchir, pour l'instant je photographie surtout des dos ou des personnes de loin et ça manque de visages

Merci d'avance à tous ceux qui voudront bien exposer leur point de vue sur ce sujet.

Rémy

[Georgesh]

tu as regardé par ici? dans mise en scène de la vie quotidienne

[Rémy G.]

Merci beaucoup pour ta réponse Georgesh !

Oui j'ai vu ce fil, j'aime beaucoup ces images prises dans le métro, elles sont très réussies. C'est aussi le genre de photo que je trouve difficile à faire pour l'instant (sur le pur aspect "relationnel", pour le reste, je pense que je vais les trouver difficile à faire encore pour un moment ! ).

Rémy

[Georgesh]

L'exercice de la prise de vues dans un groupe/ dans le métro, le photographe est lui-même membre du groupe des voyageurs/ est un acte de communication, un regard porté vers des membres de ce groupe. Qu'il n' y ait pas de paroles échangées ne change rien, regarder, c'est interroger, et c'est signifier. Ce regard est une question, il est intrusif. Il n'est d'ailleurs même pas besoin de regarder avec un boitier pour questionner le groupe. Pour celui qui est regardé, détourner le regard ou jouer à ne pas être vu, c'est bien une réponse.
Pour le photographe, faire semblant de ne pas regarder, c'est déjà un jeu de rôles.

[freddy.lombard]

Petite réflexion perso et, sinon pessimiste, hélas assez réaliste : je passe au moins 4 heures par jour dans les transports en commun.

Au fil du temps, j'ai vu les regards se vider. Aujourd'hui l'immense majorité des passagers, quel que soit leur âge, sont absorbés par leur petit écran : ils tapotent d'un doigt ou feuillettent de minuscules pages virtuelles.

Là où avant certains faisaient la gueule, certains riaient bruyamment, d'autres dormaient, d'autres lisaient ou conversaient, certains jouaient même aux cartes ou buvaient un coup, aujourd'hui les regards sont vides et inexpressifs.

Même un lecteur absorbé dans son roman présentait quelque intérêt photographique, un semblant de vie dans son regard.

Les seuls qui parlent encore à haute voix, qui semblent s'intéresser à ce qui se passe autour d'eux, qui posent des questions, bref, qui vivent, sont les enfants, enfin, les petits enfants, parce que les ados...
Et pointer un appareil sur un môme dans le métro ou le train revient à se faire lapider en place publique, convaincu d'hérésie ou de je ne sais quel crime.

L'autre catégorie qui l'ouvre encore un peu, ce sont les artistes du métro et les SDF qui quêtent : et question indifférence ils sont servis...

[Rémy G.]

C'est vrai que dans les transports en commun de manière générale, c'est pas souvent l'échange qui prime. Mais à Toulouse, j'observe quand même souvent des discussions qui s'engagent entre 3-4 personnes et ça peut devenir sympa. Mais c'est pas le RER c'est sûr ! Le taux de parole échangé augmente énormément en cas de panne, plus personne n'est dans son rôle et on s'autorise à rire, souffler, râler ou s'inquiéter ensemble...

Mais ma réflexion ne se limitait finalement pas seulement au transport en commun, c'est simplement le cas extrême, car on ne peut pas "s'enfuir" ou faire semblant, on est là, entre les gens, dans la même rame...

Mais je sens que j'arrive tout doucement à me rapprocher et me libérer de cette appréhension. J'ai découvert l'hyperfocale, et déjà ça détend un peu . Je me suis promené dimanche autour d'un marché (celui de St Aubin que les toulousains peuvent connaître) et j'ai senti comme un petit déclic. Finalement, c'est plus des sourires que des coups de bâton que j'ai reçu ! Mais il y a toujours un petit malaise, car même si on photographie la rue juste pour montrer ce qu'on ressent, il y a un petit côté intrusif dans la vie des gens, même si c'est sans arrière pensée malsaine, j'ai peur que ce soit mal perçu par exemple, notamment pour ça :

Et pointer un appareil sur un môme dans le métro ou le train revient à se faire lapider en place publique, convaincu d'hérésie ou de je ne sais quel crime.

, mais pas seulement avec les enfants !

Bonne soirée et merci pour vos réflexions sur ce sujet

Rémy

[joelc]

Petite réflexion perso et, sinon pessimiste, hélas assez réaliste : je passe au moins 4 heures par jour dans les transports en commun.

Au fil du temps, j'ai vu les regards se vider. Aujourd'hui l'immense majorité des passagers, quel que soit leur âge, sont absorbés par leur petit écran : ils tapotent d'un doigt ou feuillettent de minuscules pages virtuelles.

Là où avant certains faisaient la gueule, certains riaient bruyamment, d'autres dormaient, d'autres lisaient ou conversaient, certains jouaient même aux cartes ou buvaient un coup, aujourd'hui les regards sont vides et inexpressifs.

Même un lecteur absorbé dans son roman présentait quelque intérêt photographique, un semblant de vie dans son regard.

Les seuls qui parlent encore à haute voix, qui semblent s'intéresser à ce qui se passe autour d'eux, qui posent des questions, bref, qui vivent, sont les enfants, enfin, les petits enfants, parce que les ados...
Et pointer un appareil sur un môme dans le métro ou le train revient à se faire lapider en place publique, convaincu d'hérésie ou de je ne sais quel crime.

L'autre catégorie qui l'ouvre encore un peu, ce sont les artistes du métro et les SDF qui quêtent : et question indifférence ils sont servis...

Ouah, j'suis un enfant C'est vrai, je voyage aussi en transports publics mais généralement, j'aime beaucoup regarder autour de moi un paysage jamais pareil. Le portable c'est dans la poche et le journal gratuit débile reste dans la caissette. Le seul truc, c'est l'iPod (presque systématique) et s'il fait nuit un bon bouquin (je viens de finir "Le tour du monde en 80 jours"), un manga ou rarement la PSP. Une fois j'ai pris mon appareil mais j'ai pas osé...
Je dois être plus agressif.

[Oz]

Si on parle de technique photographe et non de jugement morale, je veux bien participer à ce fil.
La technique pour photographier dans la rue est la même à mon égard, que de se comporter dans la rue. Il faut connaitre les codes, cela va bien sur de la tenue vestimentaire, de l'hetos corporel , c'est à dire la manière de se mouvoir, de se tenir, de regarder qui renseigne sur la classe sociale, etc.
Je ne discute jamais avec les sujets, mais c'est justifié par ma démarche. Pour certain photographe, les rencontres sont importantes, l'échanges etc.
Avec la connaissance de ces codes, ce qui signifie par la pratique, être sur le terrain, prendre des photos, et être attentif aux réactions qui vont suivre, tu va commencer à connaitre les sujets. Un bon photographe est un bon manipulateur, quelqu'un qui met en confiance, cela veux aussi dire quelques fois, mettre une distance.
Une vieille dame ne s’appréhende pas de la même manière qu'un jeune, qu'un cadre, qu'un ouvrier, qu'un couple, qu'une bande d'amis.




Pour cette photographie, j'était déjà assis en face. Je n'avais pas sortie mon appareil, et il fallait donc faire le mouvement sans que les personnes ne se disent que je sors l'appareil pour eux. Je l'a donc sorti machinalement, posé sur mon sac, puis au moment que j'ai jugé intéressant, pris mes 5 clichés.
C'était une femme accompagnée par ces enfants. Je n'ai pas regardé directement la dame, mais d'abord souris aux enfants, et ensuite regarder l'adulte, qui souligne ma supposé bienveillance ( que je trouvais mignon ces enfants ) etc.
C'est bien moins caricaturale ou cynique évidemment. Ce sont des règles qui sont sensiblement les mêmes dans chaque interactions, comment regarder quelqu'un dans la rue par exemple.
Il faut avoir une capacité à jauger une situation par contre. Quelques fois la photo n'est vraiment pas la bienvenue. Dans ce cas, c'est à chacun de voir ces limites.

[le-pti-prince]

Oz, ta photo est vraiment parfaite parce qu'elle fait "vraie".

Un petit élément qui moi m'a aidé un peu à me lâcher : connaître les lois en vigueur sur la photographie. ça permet (et c'est ce qui me faisait peur) de pouvoir se défendre en cas de réclamation d'une personne qui n'a pas apprécié de se faire prendre en photo. Pouvoir ouvrir le dialogue, lui montrer que l'on est dans son bon droit, le comprendre et reconnaître que ça peut être gênant et faire un premier pas vers cette personne ça permet de dédramatiser l'acte. Généralement, ça se solde par un "je vous enverrai une copie de la photo" ou dans les mauvais cas, par une personne qui repart énervée, dans son coin, sans pouvoir te casser la figure (ça ne m'est pas encore arrivé)

[zorgulus]

Oz, ta photo est vraiment parfaite parce qu'elle fait "vraie".

Un petit élément qui moi m'a aidé un peu à me lâcher : connaître les lois en vigueur sur la photographie. ça permet (et c'est ce qui me faisait peur) de pouvoir se défendre en cas de réclamation d'une personne qui n'a pas apprécié de se faire prendre en photo. Pouvoir ouvrir le dialogue, lui montrer que l'on est dans son bon droit, le comprendre et reconnaître que ça peut être gênant et faire un premier pas vers cette personne ça permet de dédramatiser l'acte. Généralement, ça se solde par un "je vous enverrai une copie de la photo" ou dans les mauvais cas, par une personne qui repart énervée, dans son coin, sans pouvoir te casser la figure (ça ne m'est pas encore arrivé)

Salut,
Tu peux préciser ce que dis la loi ?

Merci

[freddy.lombard]

Tu peux préciser ce que dis la loi ?

Si tu t'intéresses au sujet, je me permets de te conseiller L'image et le droit de Manuela Dournes aux éditions Eyrolles. 221 pages très instructives auxquelles il faut ajouter la jurisprudence depuis la publication (juillet 2010).

[le-pti-prince]

Freddy est de bon conseil Et surtout, c'est un peu long à résumer en quelques lignes.
Il faut aussi faire attention, je ne me suis renseigné que sur la loi française de mon côté...nous ne sommes pas toujours en France (ou dans notre pays pour les Belges et autres ) quand on fait de la photo et donc les lois en vigueurs sont celles du pays où l'on est.

Il est aussi intéressant de se renseigner sur ce que représente la photo culturellement dans les différents pays/tribus/...

[BBoris50]

Pour moi par ex, en Bulgarie, les gens sont souvent paranos, (les vieux démons de l'ére communiste n'ont pas entièrement disparu) donc tenter de les prendre en photo est très difficile de près. Les seuls endroits ou je suis vraiment libre, c'est dans les manifs en tous genres ou, grâce à ma carte de presse, je peux me trouver en première ligne comme par ex ici:

un manifestant - Canon EOS620 + 28-80 sur HP5

le président de la république et ses gardes du corps- Canon EOS620 + 28-80 sur HP5

président et 1er ministre - Canon EOS500N + 100-300 sur HP5
tout ça à moins de 15m