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La photo du mois de juin 2025

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Photo Faite par frost242

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Culture photographique

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zacharie
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Culture photographique

Message par zacharie »

Suite de la discussion initiée ici :
http://35mm-compact.com/forum/viewtopic ... 367#106826.

Pour re-situer le contexte, j'évoquais la nécessité de connaître les grands photographes pour progresser soi-même.

Oz a écrit :tout le monde ne souhaite pas s'inspirer des maitres de la photographie pour pouvoir faire de la photo, tout simplement parce que le problème est la : s'inspirer.
Je déteste l'idée de, c'est à ça que doit ressembler une belle photo.
Je me suis peut-être mal exprimé... Il ne s'agit pas dans mon esprit de "s'inspirer de", mais d'éduquer son regard pour trouver sa propre voie, et éviter justement de refaire en moins bien, ce que d'autres ont fait avant, en mieux. C'est précisément le reproche que je faisais à certaines photos de Nicolas : une impression de déjà vu ailleurs, en mieux, ce qui fait qu'on ne s'y arrête pas. Les meilleures sont celles (à mon avis) où sa vision est plus personnelle et novatrice. Mais pour être novateur autrement que par hasard, on est obligé de connaître le passé, ne serait-ce que pour en faire table rase et s'en libérer.

Pour illustrer cette idée, une anecdote assez connue sur Beethoven :

Un de ses élèves lui dit :
- Maître, dans cette symphonie (sonate ou autre...) vous êtres passé de telle tonalité à telle autre, ça ne se fait pas ?
- Les règles sont faites pour être transgressées !

La semaine suivante, l'élève amène sa propre composition :
- Voyez, Maître, j'ai fait quelques entorses aux règles...
- Moi, je peux. Vous, pas ! tonne le vieux Ludwig (qui n'avait pas précisément bon caractère).

C'est ça que je voulais dire. Pour s'affranchir des règles, il faut les maîtriser. Pour les maîtriser, il faut les connaître. Pour les connaître, regarder le travail des autres et s'abreuver aux meilleures sources. C'est toute la différence, par exemple, entre une photo surex de Paolo Reversi, et une photo surexposée par erreur. Lui, sait ce qu'il fait, et pourquoi il le fait. Et si tu souhaites jouer de la surex, tu as tout intérêt à connaître Reversi, ne serait-ce que pour éviter de passer pour un c. en croyant avoir inventé le truc.

Je reprends mon parallèle avec la musique qui me semble plus explicite et parce que c'est aussi je pense une culture commune... Il n'y a pas un seul guitariste de jazz qui ne doive rien à Django Reinhardt, et le reconnaisse. Dont Henri Salvador. Ça n'a pas empêché Salvador de devenir Salvador, et de composer Syracuse qui n'a rien à voir avec Django. Les Stones sont devenus les Stones parce qu'avant eux, il y avait eu Chuck Berry et ils ont commencé (comme les Beatles) par jouer Johnny B. Goode et Roll over Beethoven. Mais ils sont les Stones, et Keith Richards est Keith Richards. Les Stones et les Beatles ont évolué chacun dans une voie différente. John Lennon a commencé réellement à écrire autre chose que des bluettes, quand il a découvert l'écriture de Dylan, qui lui même s'était construit à partir de plus anciens poètes et bluesmen, dont Rimbaud. Sans cette rencontre les Beatles auraient connu le même sort que les dizaines d'autres groupes de l'époque, aujourd'hui oubliés. Que penserais-tu d'un groupe de Rock qui dirait : "on ne connait pas les Beatles, ni les Stones, ni Dylan, on ne veut pas se faire influencer, nous on fait notre propre musique" ?

Ton idée, qu'on perdrait sa sincérité à étudier les maîtres, c'est la négation même de la notion de culture, de transmission, et même d'indépendance et de progrès. La culture, c'est précisément sur quoi on se construit, en même temps que le rempart contre tous les extrémismes, impostures, médiocrités et tentatives de normalisation.

La culture photographique, c'est aussi ce qui permet de ne pas s'extasier devant le premier âne coiffé qui met de la vaseline sur son objectif pour faire "créatif", ou expose une photo vide, mais avec deux pages d'explications sur ses intentions métaphysiques. De faire la différence entre un immense photographe humaniste (allez, au hasard, Sebastiao Salgado...) et un simple marchand d'images fussent-elles en couleur, grand format et vues du ciel.

Connaître Claude Batho ou Bernard Plossu, c'est aussi apprendre à voir la beauté dans le quotidien... Et percevoir à défaut de comprendre pourquoi, que lorsque Claude Batho photographie des patates dans l'évier, ça "fonctionne", alors que bien souvent nous autres avons les pire difficultés à produire quelque chose d'intéressant, à partir de paysages magnifiques ou de ravissantes demoiselles dénudées... Depuis des décennies Denis Brihat ne photographie que des végétaux, oignons, tulipes... Et c'est magique. Peut-être parce que ce sont des gens qui ont su sortir des sentiers battus et trouver leur voie ?

Je ne parle pas de "copier"... Du sous-Sieff, du sous-Doisneau, du sous-HCB, il y en a plein les revues de photo amateur, justement... Des groupes qui ne vont pas plus loin que reprendre Johnny B. Goode ou Satisfaction il y en a aussi... Ça peut être une étape dans son évolution personnelle, pas forcément consciente, mais ce n'est évidemment pas le but, et ça ne trompe personne. Le photographe curieux, exigeant, qui est dans une vraie démarche de création, c'est celui qui monte sur les épaules de ces géants, pour voir plus loin. Mais on peut choisir aussi, de rester au sol : c'est un choix. Alors on lit Chasseur d'Images et on passe son temps à compter des lignes de mire sur un négatif développé dans telle soupe. Mais la photo pour moi c'est pas ça !

On ne nait pas doué et génial comme ça... L'art c'est 10% d'inspiration, 90% de transpiration. Le génie, c'est quand ces 90% ne se voient plus, et que ça semble couler de source, naturel et spontané. Des photos comme ça si on en réussit 5 dans sa vie, on n'a pas vécu pour rien.

"Aujourd'hui je suis ce que je suis
Nous sommes qui nous sommes
Et tout ça c'est la somme
Du pollen dont on s'est nourri"
(Pierre Barouh)
Modifié en dernier par zacharie le dimanche 02 mars 2008 15:35, modifié 15 fois.
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Re: Culture photographique

Message par laurent M »

Je partage l'idée que la culture des classique est une bonne fondation pour sa propre pratique.

On commence par imiter (souvent mal) ce qui a été vu ailleurs. Puis on forme son gout et son oeil, puis enfin on oublie tout cela et l'on peut enfin être soi même.

C'est comme un passage obligé en somme. Mais pas une fin en soi, c'est clair.

L
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zacharie
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Re: Culture photographique

Message par zacharie »

Laurent, tu as sur moi une grande supériorité : l'esprit de synthèse :lol:
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laurent M
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Re: Culture photographique

Message par laurent M »

zacharie a écrit :Laurent, tu as sur moi une grande supériorité : l'esprit de synthèse :lol:
:D
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Re: Culture photographique

Message par NeGbLaN »

zacharie a écrit :Que penserais-tu d'un groupe de Rock qui dirait : "on ne connait pas les Beatles, ni les Stones, ni Dylan,
Qu'il se complaît dans un confessionnal, au hasard sur M6 ou TièFeuOuone.
Mais je digresse.
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Re: Culture photographique

Message par NeGbLaN »

Plus sérieusement, si l'évidence que tu rappelles et synthétise assez bien mérite d'être dite ou redite, tu enfonces une porte ouverte.
La très grande majorité des humains qui se se soit prévalu de mépriser les règles, sans les connaître, sans les avoir expérimentées, n'a pas crée non plus quoique ce soit d'intéressant. C'est ça faire école.

Eventuellement il y a quelques exceptions, Chet Baker est l'un des rares jazzmen à n'avoir pas franchement étudié la musique (ce sont pas les 12h par jour pendant quatre ans de Bird), mais il savait parfaitement dans quel genre, quelle tonalité et quelle harmonie il évoluait, et il a énormement écouté de contemporains. On en revient à la transmission.
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Re: Culture photographique

Message par Oz »

J'avoue que je commence à ne pas trop aimer la tournure de vouloir catalogué ceux qui n'ont pas la même démarches lorsque l'on déclenche le bouton.
Il ne s’agit pas forcement de prétentieux, de petit con qui pètent plus haut que leurs culs parce que l'on choisit de ne pas s'inspirer de grands maitres.
De plus, je ne parle pas d'apprentissage, moi même, je passe beaucoup de temps a observer des oeuvres aussi bien d'amateur que pro , mais bien de la pratique, ce qui est radicalement différend.
Encore une fois, je continue à penser, que l'on à pas besoin forcement envie ni besoin de connaitre les grands classiques pour progresser dans la photo, que dans une connaissance théorique et critique, les compositions de HBC, et tout les photographes de renom, cela est super intéressant, il n'empêche que la pratique, c'est autres chose.
Et quand je parle de contourner les règles, ce n'est pas que ceux ci me freine parce que je les maitrises et que j'ai envie de voir autre chose. Au contraire, je ne les maitrisent que très peu, mais étrangement, je n'ai pas envie de continuer dans cette voie. Je trouve que la technique transforme mes photos, change mon état d'esprit, ma vision au moment fatidique, que je n'arrive plus a être spontanée, à être naturel. En fait, cela est venu par constat de mes photos, il y a quelques semaines, j'ai remarquer que j'aimais en moins mes photos, elle devenait molle, manque de pèche, techniquement, je sentait que je m'améliorait, artistiquement, je sentait que je régressait dans ma démarche. Pour sa que j'ai décidé de tout laisser tomber, et de retomber dans une sorte de photo beaucoup plus instinctif.. m'en fin après on verra, si sa se trouve sa va être vraiment de la merde
Voila ce que j'avais dit dans mon post sur le portrait que j'avais mis.

Différence entre théorie - culture - pratique. Peut être est là , la source de notre désaccord.
Et puis peut-être que vous ferez des meilleurs photos que moi avec votre démarches et tant mieux, moi j'avance plus avec ma méthode na ! :lol:
Ps: pour moi la spontanéité n'est pas un mythe ...
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zacharie
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Re: Culture photographique

Message par zacharie »

Techniquement, je sentait que je m'améliorait, artistiquement, je sentait que je régressait dans ma démarche...tout laisser tomber, et de retomber dans une sorte de photo beaucoup plus instinctif..
C'est intéressant ce que tu dis. Je pense que c'est un stade que l'on vit tous a certains moments, et c'est justement le signe qu'on a franchi une étape, et qu'on avance... Le regard devient plus exigeant, on n'aime plus ce que l'on a fait, et on se trouve mauvais.

Je ne vois pas d'opposition à faire de la photo instinctive si ça peut aider à progresser. J'ai fait une fois un stage avec un éminent critique photographique, professeur à l'école de photo d'Arles. Il a regardé mes tirages, disant que c'était de la merde, que c'était beaucoup trop classique, que des photos nettes et bien composées c'était ringard et que personne ne fait plus ça. Il m'a conseillé de ne plus photographier qu'à bout de bras, sans régler l'appareil et sans regarder mon sujet "pour casser mon regard". J'ai fait comme ça trois rouleaux de diapos avec les résultats que tu imagines, il les a trouvées très intéressantes, pleines d'idées, enfin beaucoup mieux que mes tirages réalisés avec amour.

Résultat je suis rentré chez moi et mis les appareils au placard, où ils sont restés dix ans pour cause de "regard cassé".

Maintenant ça m'amuse plutôt, je n'ambitionne plus d'être un artisse, d'esposer et d'avoir plein de minettes toutes nues devant mon objectif... je photographie des arbres, des cailloux, mon jardin, comme j'aime, net, bien cadré et bien exposé, et j'assume totalement cette ringardise, que même je revendique... Même si j'ai écrit tout à l'heure qu'après HCB on ne pouvait plus faire ce type de photo classique... Ça fait partie des contradictions... L'avantage d'être strictement amateur, c'est de ne rendre de comptes à personne qu'à soi, et de pouvoir faire ce qu'on aime, comme on l'aime... Dans ce sens on se rejoint je pense !
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Re: Culture photographique

Message par tarabucetta »

Intéressante cette discussion.
Pour éviter de passer pour un con, j'ai cherché Reversi et je suis tombé sur un magicien (au sens propre), donc je crois que tu voulais parler de Roversi :lol:

Oz c'est marrant ce que tu cites, je partage exactement ce sentiment à l'heure actuelle. Pourtant je ne dénigre pas la culture photographique, au contraire. Les récentes découvertes (pour moi) de Trent Parke ou Saul Leiter m'ont fait prendre conscience que la lumière ou la couleur peuvent se suffire à elle-même en tant que sujet. Et si leurs photos ne respectent pas les critères "classiques" de composition, ou de cadrage, ils n'ont pu construire leur démarche sans une bonne culture photo.
A contrario, quand on voit le travail de Martin Parr, (qui, pour faire le pont avec la précédente discussion sur HCB, est issu d'un milieu bourgeois, qui l'a poussé à essayer de se rapprocher d'une autre classe qui lui était étrangère (et il le reconnait lui-même)), on se dit que merde la culture photographique c'est utile pour faire de jolis 20*30 à mettre fièrement dans son salon, mais que pour faire de l'art, un truc qui vous fait vous remuer les méninges et réagir, il faut simplement du talent. Et le Martin, pourtant il doit s'y connaître un peu en photo, derrière cet air admiratif qu'il a en parlant du mec qui fait des portraits photo-montage de sa tronche sur le corps de schwarzy. Mais ses connaissances, l'ont simplement amené à réfléchir au but qu'il voulait atteindre, et c'est pourquoi la compo (encore que....), la pdc, l'expo, la lumière, le traitement de la couleur, il s'en fout royalement. Rien à voir, mais puisqu'on parle souvent de Salgado en ce moment, le sieur Parr, il trouve très important qu'il y ait des photographes qui s'intéressent à la misère de notre monde, mais qu'il est tout aussi important de s'intéresser à l'autre bout de la chaine d'aliénation, pour bien saisir l'absurdité de ce dit-monde. Ca me fait penser, que Martin Parr est à la photo ce qu'est Desproges à l'humour, sûr que si Desproges avait été photographe il aurait fait du Parr, en plus ils se ressemblent avec leurs airs de monsieur tout le monde pince sans rire.

zacharie a écrit :
Je ne vois pas d'opposition à faire de la photo instinctive si ça peut aider à progresser. J'ai fait une fois un stage avec un éminent critique photographique, professeur à l'école de photo d'Arles. Il a regardé mes tirages, disant que c'était de la merde, que c'était beaucoup trop classique, que des photos nettes et bien composées c'était ringard et que personne ne fait plus ça. Il m'a conseillé de ne plus photographier qu'à bout de bras, sans régler l'appareil et sans regarder mon sujet "pour casser mon regard". J'ai fait comme ça trois rouleaux de diapos avec les résultats que tu imagines, il les a trouvées très intéressantes, pleines d'idées, enfin beaucoup mieux que mes tirages réalisés avec amour.

Enfin faut se méfier aussi. Cette mode de la photo instinctive commence à s'essouffler, et ce n'est pas un mal. Combien de photographes ont eu la même réaction que toi (et même des pros talentueux !), parce qu'un soi disant grand manitou (voire directeur de magazine) était déraisonnablement devenu fan de la lomographie parce que ça rimait bien avec "Bobo" ?


PS : j'ai pas été synthétique, j'ai même rien dit d'intéressant, et finalement, j'ai fait du jus d'orange.....
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