Du silence…

[MMP]

Alors que s'ouvrent les rencontres d'Arles, et bien d'autres lieux où la photographie s'expose que nombre d'entre nous vont parcourir, que peut on dire du rapport que nous avons avec l'image fixe soumise à notre regard − à moins que ce soit nous qui soyons soumis à elle ?

La photographie est silencieuse, cela me paraît être fondamentalement sa définition plus que le temps qui aurait été artificiellement arrêté. Ce silence, on l'éprouve lors de la prise de vue, du moins à ce qu'il me semble. La photographie me retranche du monde à l'instant même où je le photographie et me place dans le silence. Je retrouve ce silence particulier lorsque je regarde une photographie et que je m'attarde à chaque détail ou tente d'en saisir la totalité. Là encore, c'est le silence qui s'impose à moi, toute parole prononcée devenant, aussitôt dite, une parodie de l'image que je vois puisque aucune d'elle ne semble avoir le pouvoir de la dire dans son immédiateté.

Le langage tente de rompre le silence, mais il ne parvient qu'à en approcher les contours sans le résoudre pour autant, comme une équation dont la solution se dérobe au fur et à mesure où nous l'approchons. A mon sens, la photographie exprime cette aporie du langage qui est l'impossibilité de dépasser le silence.

[Georgesh]

Bonjour, la photographie-silence me fait penser à l' image traditionnelle de la lecture, une non-parole, une façon de se retrancher loin du brouhaha (s?) du monde, un acte contemplatif.
Je préférerais dire que la photo est un langage, une expression de soi, un acte militant, un témoignage bryant, qui s'exprime par d' autres supports que la voix, mais qui , à sa manière, est un cri d' alarme, une attention portée sur un sujet sensible, qui vaut bien un pamphlet ou une pétition.
En tout cas un acte public d' appel, une invite à réagir: " voilà ce que je vois, voilà ce que je vis, voilà ce que je suis. " Pas une marche tête baissée , motus et bouche cousue devant un monde qui bouge.

Même si l' écoute et l' attention portées à son sujet demandent au photographe une attitude de silence. Est-il capable de faire abstraction de sa subjectivité et de se retenir de parler de lui?

[MMP]

Je préférerais dire que la photo est un langage, une expression de soi, un acte militant, un témoignage bryant, qui s'exprime par d' autres supports que la voix, mais qui , à sa manière, est un cri d' alarme, une attention portée sur un sujet sensible, qui vaut bien un pamphlet ou une pétition.
En tout cas un acte public d' appel, une invite à réagir: " voilà ce que je vois, voilà ce que je vis, voilà ce que je suis. " Pas une marche tête baissée , motus et bouche cousue devant un monde qui bouge

Sans doute as-tu raison. Et une forme de foi aussi.

Pour ma part, je ne crois absolument pas à "l'acte militant", à la parole qui édicte et changerait le monde (mais je respecte cette position). Tout passe…

Alors oui, je contemple le monde car il n'y a pas d'autre possibilité. Et s'impose alors l'évidence du silence. & la photographie.

[TheMaxou]

Passionnant sujet mais tellement délicat.

La photo est pour ma part un instant privilègié entre moi-même et mon sujet. Un moment difficile à définir entre silence et solitude, rencontre et discussion.

De mon modeste point de vue, la photo n'est pas nécessairement un acte militant mais une expression de soi, une affirmation de soi, une émanation de notre égo que je n'utilise pas dans le but d'interpeler les autres mais de cultiver mon propre jardin artistique.

Mes réactions face à une photographie oscillent entre contemplation, silence afin d'entendre le son de cette photo, et irresistible envie d'en parler mais seul mon coeur comprendra ce que j'ai profondément ressenti.



PS : Cela fait une demi-heure que j'essaye de pondre ces quelques lignes

[tarabucetta]

Comme je n'arriverais pas à pondre quelques lignes à la hauteur des votres, je voulais jsute vous remercier pour ce que vous avez exprimé.
J'ai beaucoup aimé l'intervention de MMP, et celle de GeorgesH est tout aussi jsute !
Bravo.

[LYNX]

Chacun à une vision très personnelle de ses motivations dans la pratique photographique.
En y réfléchissant, l'acte de photographier est ,pour moi, la possibilité de dépasser l'imperfection de notre perception en essayant de rendre le nature ou les constructions humaines encore plus belles ou sous un autre jour. Le satisfaction est alors présente si on est pour quelque chose dans le résultat (d'ou mon peu de goût des appareils à programmes, des AF et surtout des retouches), et il m'arrive d'envier ceux qui font de "la chimie".
C'est aussi le désir de garder une trace d'un moment fugitif, d'un lieu, d'une sensation et de pouvoir ainsi revivre (hélas imparfaitement) les émotions du passé .

[tErU]

En tout cas un acte public d' appel, une invite à réagir: " voilà ce que je vois, voilà ce que je vis, voilà ce que je suis. " Pas une marche tête baissée , motus et bouche cousue devant un monde qui bouge.

tu te fais discret ces temps ci.

[Georgesh]

tu te fais discret ces temps ci.

Oui, et ça permet à d' autres de s'exprimer. A plus de 7 messages par jour, je me trouvais envahissant. En particulier sur les fils de critique d' images.
Pour prolonger la réponse de MMP, acte de foi de la photo militante? C' est à mon sens illustré par salgado, qui utilise ses photos comme moyen de lutte contre le système des latifundia et soutient la lutte des paysans. Où par les reporters d' images qui parcourent les champs de bataille. Et que dire des reportages sur les publics en difficulté, autour de thèmes sociaux d' actualité.

De mon côté, je suis maintenant partisan d' une photo épurée des slogans , qui se recentre sur l' humain. Je viens de trouver cette " maxime" de J-F Bauret, le portraitiste, qui dit à peu près ceci. Un photographe a réussi son portrait quand le modèle a réussi à exprimer quelque chose. On n' échappe pas au sens.
Je préfère me limiter à regarder l' humain.

[tErU]

tu te fais discret ces temps ci.

Oui, et ça permet à d' autres de s'exprimer. A plus de 7 messages par jour, je me trouvais envahissant. En particulier sur les fils de critique d' images.

je suis aussi à plus de 7 messages par jour. ce qui doit etre plus penible que pour les tiens. donc reviens, parceque ces rubriques ont besoin de ton oeil et de ta critique.

[tarabucetta]

Oui GeorgesH, reviens !
Sincérement tes critiques ont toujorus été trés originales, et apportes un éclairage différent sur la photo. Ce serait une perte dommageable que de ne plus avoir droit à tes critiques !

[TheMaxou]

De mon côté, je suis maintenant partisan d' une photo épurée des slogans , qui se recentre sur l' humain. Je viens de trouver cette " maxime" de J-F Bauret, le portraitiste, qui dit à peu près ceci. Un photographe a réussi son portrait quand le modèle a réussi à exprimer quelque chose. On n' échappe pas au sens.
Je préfère me limiter à regarder l' humain.

C'est une vision dont on avait déjà parlé avec Georgesh par MP. Ce que j'aime dans la photo, c'est regarder l'humain dans son activité, dans sa vie de tous les jours... J'aime capter ce qui le magnifie, ce qui le rend digne, surprenant... J'aime capter ce moment où l'homme a réussi à se sublimer, à se dépasser et sortir de sa condition de simple être mortel. Cela passe par des gestes simples, par des réalisations plus ou moins élaborer. J'ai tout autant d'admiration devant un fromager en plein travail que devant une danseuse gitane en pleine transe... Et c'est à travers la photographie que j'essaye d'exprimer ce sentiment. Au moment où je déclenche, j'ai l'audace de penser que ce moment sera unique...

[Georgesh]

C' est une façon de rejoindre le post initial de MMP, un photographe silencieux, qui s' efface devant son sujet, et serait plus médiateur, un témoin-accoucheur, au sens de la maîëutique, l' art de faire accoucher les idées. Et qui serait pour le photographe l' art de faire accoucher les émotions , les sentiments, les passions.

[MMP]

un photographe silencieux, qui s' efface devant son sujet, et serait plus médiateur, un témoin-accoucheur, au sens de la maîëutique, l' art de faire accoucher les idées.

Incorrigible philosophe de l'action !

Pour ma part, ce n'est pas le photographe qui est dans une démarche de silence, c'est la totalité du silence en toute chose qui s'impose… Et du silence on ne témoigne pas, il est.