et on dira que les jeunes n'ont plus l'envie des études

[Danny]

Petit mail du directeur : Un parent d'élève voudrait me voir pour une question d'orientation dans ma matière.

Le père arrive, visiblement un très grand travailleur car il porte encore sa belle tenue de travail bien poussiéreuse. Il est dans le bâtiment, maçon précisément. il est accompagné d'une Ado d'environ 16 ans.

Alors je vous préviens, sont mis en gras les passages les plus croustillants, celà pourrait faire un bon sketch pour François Pirette ou Dany Boon, mais bon... voici :

Dialogue :

- Bonjour, voilà, ma fille voudrait faire ses études dans la photo.
- Très bonne idée, en quoi puis-je vous aider
- Ben faut lui dire de faire un vrai métier et la photo ca sera en passe temps
- Ecoutez monsieur, j'enseigne la photo, mon métier c'est de motiver et d'encourager les jeunes, pas l'inverse

Le père tire un peu la figure, et ajoute : Moi je travaille dans le bâtiment, je me crève a longueur de journée c'est par pour que ma fille fasse rien de sa vie.

- Vous savez, le métier de photographe n'est pas seulement le métier où on prend des photos, ce n'est pas un métier facile, faut beaucoup travailler .

- Bon alors, qu'est-ce qu'il faut ?
- Du courage, du travail, beaucoup de soin et encore du travail.
- Ouais mais le matériel, ça coûte combien ?
- En regardant la demoiselle qui n'osait dire aucun mot : Tu as déjà un appareil ?
- Le père répond : Oui, un Minolta Dynak (!) j'ai un collègue qui fait de la photo tout en autodidak(!) il a dit que c'était de la merde !
- Vous savez, pour débuter il ne faut pas spécialement un appareil dernier cri très cher, le minimum suffit dans la plupart des cas.
- Non, ca n'ira pas, faudra encore claquer de l'argent dans ces conneries.
- Toutes les études coutent cher et puis, le matériel d'occasion existe et c'est souvent très bon. Je pense sincèrement qu'un élève peut se trouver un super appareil pour moins de 100 euros tout complet, chaque année j'ai des gens qui ne veulent pas u qui ne peuvent pas mettre plus et qui s'en tirent super bien.
- Ouais, c'est comme les bagnoles, on se fait entuber avec l'occasion...
De toute façon, elle fera pas ca, je suis venu ici pour vous demander de lui dire de faire autre chose, depuis qu'elle est toute petite, on a décidé avec ma femme qu'elle ferait l'hotellerie.

Là je commence à perdre patience : Mais elle, elle est avec nous, elle regarde ses chaussures à pois (c'est vrai en plus, rouges à pois blancs) et elle dit rien, en m'adressant à la gamine : Toi, qu'est-ce que tu veux faire ?

Le père de répondre : Non mais attends, où c'est qu'on va là ? Mon père m'a dit tu seras maçon comme moi et j'ai obéi. Où c'est que les gosses ils font ce qu'ils veulent ?

Le père en regardant sa fille : Et puis, regarde, il est photographe et il donne cours, tu vois bien que ca mène à rien, fais un vrai métier !

MOI : Monsieur
- Oui ?
- Sortez
- Quoi ?
- Sortez, vous êtes venu ici pour demander des renseignements, pas pour injurier les professeurs. Alors c'est vrai, moi je porte pas des sacs de ciment toute la journée, je suis un paresseux qui a trois mois de vacances par an.
- En m'interrompant le père : Mais c'est la vérité !
- Eh bien monsieur, les presseux comme moi ne parlent pas aux gens comme vous, sortez et ne revenez plus ! Votre gamine est la bienvenue mais vous je veux plus vous voir !

- En hurlant "Ca ne se passera pas comme ca, je ne vais pas me faire mettre à l'ordre par un prof de merde, vais voir votre directeur et j'ai le bras long...

Bref voilà, je m'attends à des nouvelles du directeur, on verra bien mais je constate encore une chose :

C'est de bon ton de dire que les jeunes ne veulent plus rien faire... D'un autre côté on a des parents qui pleurent de leur métier parfois aliénant et pénible... mais paradoxalement, certains de ces parents ont comme seule ambition de prolonger à leurs enfants leur statut de travailleur à métier pénible et difficile.

C'est bien regrettable

[charan]

comme disait mon grand père:
"la mère des cons, elle est pas morte!"

ton histoire a le terrible goût absurde de la bêtise quotidienne.

et encore, là ça ne concerne "que" l'avenir d'une seule gamine. mais quand la catharsis collective fait ça à toute une génération de gamins à l'échelle d'un pays... "tu en chiera comme nous on en a chié, il y a pas de raison". et ve apprendre tes numéros de départements. ah, quoi, ils sont supprimés? ah bon, tout fout le camp ma pov'dam.


c'est ce qui fait marcher tous les rites de passage foireux, les bizutages et autres conneries.

[HRISTO]

Ah j'ai l'impression d'avoir vécu la scène... ...mais du côté de la jeune fille. On m'a dit que la compta c'est bien, t'auras toujours du travail parcq'uil en faut des gens qui gèrent l'argent ! Eh bien voilà, la jeune fille est en train de rater son orientation professionnelle parce que son père est un con !

Desproges a une vision très belle de la parentalité ! Les parents peuvent être des gens idiots, frustrés et haineux qui font beaucoup de mal à leurs enfants.

Pauvre gamine ! Moi j'ai pardonné mais ça me ronge. Est-ce qu'elle pardonnera ?

[charan]

Pauvre gamine ! Moi j'ai pardonné mais ça me ronge.

sans blague..? tu voudrais pas t'allonger sur ton clavier et nous en parler

moi j'ai eu la chance que mes parents me poussent à ne surtout pas faire ce qu'ils faisaient, et m'engueulent quand je leur ai dit que j'allais le faire quand même...

[HRISTO]

Pauvre gamine ! Moi j'ai pardonné mais ça me ronge.

sans blague..? tu voudrais pas t'allonger sur ton clavier et nous en parler

Non, je murmure à l'oreille de mon Leica et il voit à ma place ce que j'aurais pu être

[Georgesh]

Il paraît que sur un site internet d' échanges, un type insiste actuellement pour échanger sa fille de 16 ans contre un garçon physiquement bien développé . Si le garçon fait l' affaire, un entrainement en salle de muscu lui sera offert pour assurer son avenir professionnel.

[tarabucetta]

Normalement, les parents ont plutôt la réaction de ceux de Charan :

moi j'ai eu la chance que mes parents me poussent à ne surtout pas faire ce qu'ils faisaient

Là, c'est juste de la bêtise...

[tarabucetta]

Il paraît que sur un site internet d' échanges, un type insiste actuellement pour échanger sa fille de 16 ans contre un garçon physiquement bien développé . Si le garçon fait l' affaire, un entrainement en salle de muscu lui sera offert pour assurer son avenir professionnel.

Il parait aussi que c'est à la mode de vendre aux enchères son bébé sur Ebay.
Mais où va la monde ma petite dâme !

[Danny]

Mon pronostic sur cette gamine ?

dans le meilleur des cas elle sera enceinte l'an prochain et foutra le camp de chez ses parents à 18 ans.

Ma femme l'a fait (foutre le camp de chez elle), et ca laisse des traces tu sais. Faudrait éduquer les parents parfois.

[Népo]

Témoignage de la misère sociale de notre pays et de nos voisins Je discutais avec un principal de collège, il y a quelque temps, dans un bourg rural et ouvrier... il était affolé de voir que c'était ici, plus qu'en centre ville (normal) et plus qu'en ZEP, qu'il rencontrait les parents qui présentaient le moins d'ambition pour leurs enfants... après le brevet, passe donc un BEP ou un CAP, au moins tu auras du boulot.

Bourdieu n'avait quand même pas faux sur toute la ligne, la "reproduction" est toujours à l'oeuvre.

On discutait de ça à propos d'une classe-orchestre, qui permet à la moitié des élèves d'apprendre la musique à l'école. L'intérêt n° un, pour le principal, c'était de montrer aux élèves et à leur parent qu'ils n'étaient pas moins aptes à apprendre que des enfants de milieux moins pauvres. Ce que l'inspecteur d'académie, dans un autre contexte, appelait un "horizon ambitieux et atteignable".

Népo

[seerauber]

ah j'en connais un tas de parents (et d'enfants) comme ça...
Et ce n'est pas forcement dans les milieux defavorisés que l'on trouve ce genre de comportements, ah si tous les parents prennaient la peine de vraiment discuter avec leurs enfants

[LYNX]

Nos sociétés n'ont aucun souci à se faire pour que la "reproduction sociale" fonctionne à plein régime":
1. "l'ascenseur social" qui avait de beaux jours devant lui dans les années 60 et 70 est quasiment en panne.
2. le système éducatif redevient de plus en plus sélectif et opaque pour les couches sociales les plus modestes.
3. face à la situation économique de plus plus difficile, certains parents (essentiellement classes modestes ou moyennes qui se paupérisent) perdent toute ambition pour leur rejeton et les stéréotypes les plus stupides (cf l'expérience de Danny) envahissent les esprits.
Dans les années 50, Paris Match mettait en avant le cas d'un fils de facteur devenu Maréchal de France. Bien sûr les petits Français n'avaient pas toutes leurs chances. Mais maintenant.....

[Pierre-Yves]

1. "l'ascenseur social" qui avait de beaux jours devant lui dans les années 60 et 70 est quasiment en panne.

Non, il fonctionne très, très bien... vers le bas !

Cette histoire... pfff, c'est navrant !
Dans le même registre, les parents qui veulent absolument que leurs enfants fassent des études "sérieuses" (c'est quoi ).
J'en connais un qui a du se taper 2 ans de fac (x2... bah, oui, sans motivation...) pour finir par abandonner et faire un métier "manuel" (allez, tous en coeur : "bouuuuh !" )... dans lequel il est épanoui et heureux.
Même comme ça, il a fallu qu'il gagne plus que le salaire de ses 2 parents réunis pour qu'ils commencent à se dire qu'il avait fait le bon choix... . La réussite pour eux, c'est le pognon, pas l'épanouissement de leur gamin, faut croire.

Ca me donne pas envie d'avoir des gosses, et ça me rend limite misanthrope ce genre de comportements...

[Georgesh]

Ce que je retiens de ce fil, c' est que les ados finissent par devenir autonomes, et qu' on peut, c' est jamais trop tard, couper le cordon ombilical et voler de ses propres ailes. On peut toujours prendre son indépendance et assumer ses choix.

[Effiix]

Nos sociétés n'ont aucun souci à se faire pour que la "reproduction sociale" fonctionne à plein régime":
1. "l'ascenseur social" qui avait de beaux jours devant lui dans les années 60 et 70 est quasiment en panne.
2. le système éducatif redevient de plus en plus sélectif et opaque pour les couches sociales les plus modestes.
3. face à la situation économique de plus plus difficile, certains parents (essentiellement classes modestes ou moyennes qui se paupérisent) perdent toute ambition pour leur rejeton et les stéréotypes les plus stupides (cf l'expérience de Danny) envahissent les esprits.
Dans les années 50, Paris Match mettait en avant le cas d'un fils de facteur devenu Maréchal de France. Bien sûr les petits Français n'avaient pas toutes leurs chances. Mais maintenant.....

Je suis désolé, mais je suis complètement opposé à cette vision. Pour moi l'ascenseur social n'est pas en panne mais personne ne le prend. Il est complètement faux par exemple de dire que le système éducatif est hyper sélectif pour les couches sociales les plus modestes. J'en sais quelque chose, je termine mes études dans une grande école d'ingénieur. Et ce que je peux dire c'est que le système n'est ni coûteux ni hyper sélectif. Par contre l'image développée par les médias ou les profs dans les lycées le laisse penser et finalement la sélection a lieu là : dans une grande école, tu trouves en priorité des enfants de cadre, ou de profs (je n'ai rien contre eux), donc en gros ceux qui connaissent le système. Mais dans toutes mes études je n'ai vu aucune véritable barrière qui bloquerait un élève issu d'un milieu social modeste, et d'ailleurs ceux qui venaient ces milieux sociaux avaient la même réussite que les autres.

En fait je trouve ce système beaucoup plus juste que le système allemand (que je connais bien également, je termine mes études en Allemagne). Dans le système allemand, pas de sélection véridique, donc la sélection se fait sur les notes. Et pour avoir de bonnes notes, un bon moyen est d'apprendre par coeur les précédents partiels (sans aucune compréhension, je peux l'assurer) en d'en passer un par semestre. Donc en gros ça favorise ceux qui peuvent passer du temps sur leurs études. Le top c'est d'ajouter un doctorat derrière.
Tandis qu'en France la sélection se fait sur un temps fini et requière plus de compréhension. En gros plus équitable.

Donc en gros le souci est d'abord un problème d'orientation, de motivation et d'ambition. Je rejoints un peu les commentaires précédents.

[Papouleu]

L'ascenseur permet de monter sans se fatiguer et c'est là le problème de notre société aujourd'hui ! croire qu'on peut arriver sans se fatiguer!
énorme leurre!
Chacun a la possibilité de monter mais à condition de bosser pour monter les marches.

[Danny]

En effet, ce parent est un maçon, donc un ouvrier qualifié qui gagne de l'argent.

On confond souvent misère sociale et misère intellectuelle. C'est une grosse erreur.

Ce que j'appelle le "Quart monde culturel", on le trouve aussi bien dans les petites villes que dans les grandes agglomérations.

On le trouve à la fois chez l'ouvrier non qualifié que chez le directeur d'entreprise. Cela n'a rien à voir !

Or on souffre de deux situations extrêmes :

- D'un côté, le syndrome de la blouse blanche, appelé par chez nous le syndrome du porion, autrement dit ces parents ouvriers qui ont honte d'eux mêmes et qui veulent à tout prix que leurs enfants aient une position supérieure à la leur.

- De l'autre côté, la continuité où l'on désire que nos enfants suivent nos traces.

Or pour citer un gars très intelligent qui a écrit des livres, ce sont là des positions extrêmes qui ne valent rien !

Un jour je collecterai les "perles de parents d'élèves" quand j'aurai 20 ans de carrière !

[Népo]

On confond souvent misère sociale et misère intellectuelle. C'est une grosse erreur.
Ce que j'appelle le "Quart monde culturel", on le trouve aussi bien dans les petites villes que dans les grandes agglomérations.
On le trouve à la fois chez l'ouvrier non qualifié que chez le directeur d'entreprise. Cela n'a rien à voir !

Peut-être que c'est pas le bon terme, pour moi le social n'a rien à voir avec des questions de revenus, c'est le rapport qui existe entre les concitoyens. Mais c'est vrai quon parle de social dès qu'il s'agit d'aider les pauvres (d'ailleurs on dit "modestes", autre dérive sémantique)

Quant à la misère intellectuelle, fréquentant pas mal un certain milieu culturel professionnel (donc a priori avec des gens qui lisent des livres, ou au moins fréquentent des spectacles), je ne porterai pas aux nues les rapports sociaux qui le régie

Népo

[Pierre-Yves]

L'ascenseur permet de monter sans se fatiguer et c'est là le problème de notre société aujourd'hui ! croire qu'on peut arriver sans se fatiguer!
énorme leurre!
Chacun a la possibilité de monter mais à condition de bosser pour monter les marches.

+1
C'est tellement vrai

[geuledebois]

l'inverse est vrai aussi ma fille ayant passé son CAP voulant continuer ses études (pour ne plus vendre de téléphones ), et se rapprocher de son papa, envoie des cv et lettres de motivation...
ne recevant pas la moindre réponse elle prends contact téléphonique pour avoir des nouvelles et se fait injurier:"j'en ai pas chié toute ma vie pour prendre des jeunes bran...rs qui vont me piquer mon boulot!!"...
va t'il falloir qu'elle se dirige vers une formation de coiffeuse ou de manucure?