HRISTO a écrit :Je sais que tu vas te moquer mais ça peut marcher.
Je ne me moque pas du tout, si même je l'avais pensé je me serais abstenu de l'exprimer, et oui bien sûr, ça
peut marcher. Tant mieux si je ne t'ai pas démoralisé ce n'est pas non plus mon but, et je te souhaite sincèrement de réussir dans tes projets. Mais pour avoir un artiste dans la famille, pourtant connu et respecté dans sa partie, je peux te dire que la motivation ne suffit pas, ni même le talent ; pour vivre à peine décemment c'est une somme de travail et une course au fric de tous les jours, comme on n'en a pas idée quand on est salarié. Pour un contrat un peu rémunérateur, une invitation à un colloque ou conférence à l'étranger, c'est parfois des mois sans
une seule rentrée d'argent. C'est une "liberté" qui se paie très, très cher.
Le gros avantage d'un job alimentaire, même si on s'y emmerde (à condition que ça reste vivable) c'est l'intendance assurée, mais aussi que justement ça ne touche pas cette part de rêve et de créativité qu'on a en nous, et qui est le jardin secret dans lequel ça fait du bien de s'isoler et se retrouver. Finie la journée, tu enfiles ton costume de Superman et tu vis ta vie de super-héros sans rien devoir quémander à personne.
Faire de son hobby son job, c'est amha le plus sûr moyen de s'en dégoûter (je suis passé par là ainsi que mon épouse, plus jamais...) C'est pas non plus une tare : Bach enseignait (mal, paraît-il) le latin à des mômes qui n'en avaient rien à foutre et lui-même ça devait bien le barber aussi, il avait mieux à faire. Chez les écrivains, parmi les contemporains et même les plus grands (je ne parle pas des pignoufs qu'on voit et entend partout en ce moment, ou les faiseurs de best-sellers qui sont à la littérature ce que le catalogue Conrad est à la photo) très peu n'ont pas un job à côté pour l'intendance. Pour créer, sauf à se la jouer artiste maudit, il faut au minimum l'estomac rempli une fois par jour, un toit pour dormir, et pour nous autres, des films et du papier.
Maintenant quand c'est une force et une puissance intérieures qui font que l'on n'a pas le choix... ben oui, on n'a pas le choix justement. Mais il faut en être certain, et accepter de renoncer à peu près à tout le reste, ça revient un peu à entrer dans un couvent de cisterciens (je parle toujours d'art, de création, pas de photos pour Voici ou Closer).
Il faut absolument que tu lises les
Lettres à un jeune poète de Rilke. Tout est dans ce bouquin, bien mieux écrit que je ne saurais le faire.