La photo ça a commencé quand j'avais 6-7 ans. Je suis né en 1965. A l'époque mon regretté papa faisait de la kodachrome avec un compact à télémètre Agfa dont je ne connais pas le nom. Le genre d'appareil qu'on voyait au cou de tous les touristes américains, manuel mais avec une cellule si je me souviens bien. Et derrière on se tapait les séance de projection. A cette époque la boîte de mon père organisait des fêtes de Noël et on pouvait choisir un cadeau. Pour ressembler à mon héros de père, j'ai demandé un appareil, kodak il me semble, tout en plastoc et chargé avec des films en "chargeur", genre le truc qu'on emboîte dans l'appareil et c'est tout. Et les flashes cube...
Ca a dû me durer 2-3 ans. J'ai donc abandonné ma carrière de paysagiste pour me mettre au poney...
Et puis à 14 ans, séjour linguistique en Allemagne, et là, ces cochons de teutons ils avaient un labo photo au lycée (à l'époque chez nous au lycée c'était des vieux ballons de handball tout rapés qu'on avait pour se distraire), les gars de ma famille d'accueil m'amènent au labo et font un tirage devant moi : bande d'essai et tirage. J'étais bluffé (bluffiert ?). Wow, comme chez le marchand de films ils faisaient ! J'avais accès au mystère de la chambre, non pas jaune, mais noire ! Je me sentais devenir le démiurge des démiurges !
Au retour je casse ma tirelire et m'offre un Olympus OM10. je tanne mes parents (qui avaient quelques moyens) et je finis par obtenir un petit labo à base d'Ahel 2436. Je fais mes premiers pas, et je vous dis pas mon état quand j'ai vu mon premier tirage monter dans le bain de révélateur... Je fais aussi un peu de cibachrome pour tirer les Kodachrome sus-évoqués du paternel.
Le métier du papa ? Il dirigeait deux unités de production de gélatine, ses clients : Agfa, Kodak, Fuji...
Parallèlement je fais du piano pour jouer du blues. Et je me confrontais à Ludwig, Wolfgang, et autres Debussy.
A 18 ans, je pars en prépa, adieu la photo.
Arrivée à Paris en Fac, et je deviens rockeur et surfe sur la vague New Wave. Claviers, échantillonneurs, excès en tous genres... Mais la géophysique me lasse... A en fumer des joints dans les amphis pendant les cours. Ma carrière de géologue tourne court !
Dans les années 95 mes parents avaient monté une galerie d'art de bon niveau à Isle sur la Sorgue. un photographe vient leur demander d'exposer, son nom : Dennis Stock, Agence Magnum, ami intime de James Dean ! Je bidouillait l'informatique depuis 1991 sur PC pour la zik. Dennis me demande d'être son assistant pour scanner son travail. Pendant 3 ans tous les jours je montais dans les hauteurs du Luberon chez Dennis, et je l'avais eu dessus de mon épaule qui m'expliquait ses photos et racontait les circonstances des prises de vues. A l'écran, je scannais James Dean, Miles Davis, Lauren Bacall et son Humphrey, Marilyn, John Wayne, Marlon Brando, etc. Il me racontait Hollywood de l'époque !
A la fin comme cadeau d'adieu, il m'offre un de ses OM4 (rincé), un zuiko 2/35 (rincé) et un pied Gitzo immense sans tête. Je fais remettre tout ça en état à la Fnac. Et c'est reparti pour un tour, le ressors l'Ahel 2436 et squatte la salle de bains.
Puis arrivée à Marseille, je bosse dans la nouvelle galerie des parents et je me mets au numérique pour créer les visuels. L'OM (pas l'équipe de foot !) roupille dans une malle. L'autre OM (le foot) roupille au Vélodrôme.
Arrivée très brutale à Marseille, pas bon d'avoir des murs sur le Vieux Port si on ne connait personne dans le Milieu...
2003, décès brutal du papa d'une courte maladie qui normalement est longue, et fin de la galerie d'art. Je m'inscris au Conservatoire en Musiques électroacoustiques (Henry, Shaeffer, Parmégiani, Stockhausen...). Je me fais ch... comme un vieux rat mort du Vieux Port à dealer avec des concepts à deux balles créés pour compenser la vacuité inspirationnelle totale et à faire souffrir les pauvres mouches. Peut-être que mon aversion pour tout concept artistique intellectuel me vient de là, entre autres ma lomophobie (

) !
Je remonte le labo (2005) et squatte ma salle d'eau. Et ça s’enchaîne : je complète la famille par un OM4T (qui me donnait l'impression d'être cresus quand je me remémorais le prix de ce zinzin du temps de sa splendeur), et une petite pelleté de zuiko. Je m'amuse 2-3 ans et en 2009 je craque pour Maître Blad. Là c'était plus crésus que j'étais mais au moins Rockefeller ! Un Durst M605 remplace l'Ahel2436. Je découvre Ansel Adams, le choc. Et c'est un chef d'orchestre de formation et il dit son fameux truc à propos du négatif qui est partoche et le tirage qui est interprétation. Ca y est la boucle est bouclée, j'ai pigé, fin de la schizophrénie musico-photographique. Piouuuuu ! Ca soulage !
Et envie de couleur... Je m'offre un E-620 Olympus (très fidèle à la marque because zuiko) et je suis frustré pas le petit viseur. Je décide de vendre le Blad pour passer au pro de chez Oly, je le mets en vente ici même et... me rendant compte de ma connerie infinie j'annule la mise en vente et m'offre une veille Jobo pour le E-6. Dès les premiers scans de diapos 6x6 c'est le choc : rien à voir entre travailler un cliché numérique et un dia 6x6 scanné ! On à l'impression que ce qui sort du reflex numérique c'est vide... Sans doute qu'un Blad numérique déchire aussi sa grand-mère, mais c'est pas pareil.
Marre de me cogner dans mes 2m² de salle d'eau et de me polluer aux effluves de Dektol sans aération. Je revend le labo et m'offre des bébés zeiss pour Maître Blad. Je garde la cuve pour développer les films et m'équipe en post traitement numérique. Scanner V700 et R1900 pour imprimer. Nouveau challenge : le n&b à l'imprimante, surtout la R1900 c'est pas facile facile ! Bidouilles, essais, arrachages de cheveux, et avant d'arriver à une calvitie totale, j'y arrive enfin : mes n&b imprimés tiennent la route. Je fais mieux que ce que je faisais au labo (j'étais pas Paganini au labo...).
En numérique, y'a pas le mystère de la boîte qui capture la lumière, qui va chatouiller les grains d'argent ! Et puis c'est tellement mieux le mode manuel avec la cellule. Je ne regarde plus les choses du même oeil maintenant. Je suis 24/24 en mode photo ! Même si j'ai pas de boîtier sur moi.
Je suis devenu amoureux de la lumière, moi le Prince des Ténêbres (oui, Blad l'Empaleur ça vous dit quelque chose ?) qui ne jurait que par la nuit et les sons bizarres que je triturais sur l'ordi. Et question lumière, à Marseille, c'est l'orgie ! Tu m'étonnes que Van Gogh soit venu squatter dans le coin.
Voilà voilà. J'ai été un peu long je sais, mais vous avez l'habitude maintenant je pense.