désolé du délai de réponse mais ton commentaire, enrichissant et argumenté demandait une réponse un minimum détaillée : il me fallait un peu de temps pour l'assimiler et te répondre. Mais d'abord merci : merci d'avoir pris le temps de construire un tel retour et merci de ta franchise. C'est agréable. Par ailleurs, je suis assez content si ce fil peut déboucher sur un e réflexion plus construite sur la photo contemporaine et l'art de la série (mais, du coup, il faudra sans doute déplacer ces messages dans un fil plus approprié pour que tout le monde puisse apporter sa pierre à l'édifice).
Je ne fais pas de photo de rue "humaniste" comme beaucoup savent le faire. Ce que j'aime quand je fais des images dans la rue, c'est relever des images qui me frappent pour ce qu'elles disent de la ville (et pas seulement la mienne). Et en cela je te rejoins complètement : je ne provoque pas ces images : ce sont elles qui se jettent sur moi. Mon seul "choix artistique" se résume au cadrage et au traitement. Quant au sens, je suis fasciné et attristé par les mutations que subissent nos villes, Saint-Etienne en particulier. Au nom d'un "assainissement" du bâti, on détruit de nombreux immeubles, pour la plupart certes insalubres (mais pas tous) mais habités par des populations qui ne peuvent réellement se permettre autre chose. Le résultat, outre le déplacement de ces populations en périphérie et le délitement de la mixité sociale des centres, est à mon avis une perte d'identité. Car ces vieux bâtiments qui, eux aussi, font l'histoire d'une ville, sont remplacés par des constructions modernes, standardisées et peu durables pour la plupart. Je trouve que cela provoque une "dépersonnalisation", une neutralisation des villes dans lesquelles l'humain se retrouve comme simple spectateur/voyageur, isolé. Les errances urbaines n'étant plus les miennes, mais celles des individus. Et du coup, je suis fasciné par les tentatives de réappropriation de l'espace public : les tags, les graf, l'art urbain mais aussi les squats et les indétrônables punk. Tout ça, à mon avis, rende de la vie à nos villes. Donc si on veut on peut voir dans mes images une dénonciation de cela. Mais je n'aime pas orienter la lecture.
Ce qui me donne une transition parfaite

Car pour moi, par définition, une oeuvre est faite pour être investie par celui qui la contemple, pour être équivoque. Le discours, en élucidant la démarche de l'auteur, détruit cette plurivocité et transforme, à mon sens, son oeuvre en simple production à prétention artistique. Une pièce de théâtre n'appartient plus à son auteur dès lors qu'elle est mise en scène : le metteur en scène se l'approprie et utilise le texte pour produire un sens supplémentaire. Et la mise en scène elle-même prend un sens différent pour chaque spectateur. Et heureusement. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on montre une oeuvre d'art : pour la confronter au regard des autres. D'ailleurs, la littérature engagée me fait chier pour les mêmes raisons.
Les oeuvres univoques me laissent froid ; parce qu'à mon avis elles n'ont rien d'artistique. Au mieux sont-elles des discours.
Donc je maintiens ma position, même si je crois comprendre ce que tu dis. ce que j'ai décrit plus haut représente ce que MOI j'ai ressenti en prenant ces images et ce que MOI j'ai voulu "dire". En aucun cas ça ne reflète ce que chacun d'entre vous peut vouloir y voir.
Quoi qu'il en soit, du coup, à la lecture de ton message, je me rends compte en effet que cet ensemble d'images n'a rien d'une "série photographique" dans son acception actuelle. Mais est-ce que c'est bien grave ? Je ne sais pas. Peut-être.
Mais je regrette qu'on ne puisse plus simplement se contenter d'apprécier le regard d'un auteur (car ça n'enlève, pour moi, rien au fait que chaque photographe est un auteur, bon ou mauvais, dilettante ou professionnel, débutant ou aguerri) à travers des collections d'instantanés.