Je vous le poste ici, une pensée pour le gamin qui j'étais (et que je suis encore) quand j'ai commencé la photo au temps où un banc était fascinant à travers un viseur.
Sinon, ça peut servir de défouloir pour les autres insomniaques du forum, vous cachez pas, je sais qu'il y en a !

"Voilà près de trois semaines sans un post sur ce blog. Je suis revenu de Formiguères au volant et sans me crasher, je me suis enfilé 1056 km de macadam en 13h d'affilée pour rentrer en Belgique, j'ai pris du bide, je regrette le Sud, ma consommation d'alcool hausse comme au temps de mes 16 ans, quand je faisais du reportage dans les cafetards de village, je suis de plus en plus insomniaque et j'utilise beaucoup trop souvent le "je". Sans volonté d'arrêter. Sans volonté tout court.
Ah qu'elle était belle la vie au soleil. Et l'euphorie du retour aussi, d'ailleurs. J'ai rigolé, ou était-ce Garito, lorsque nous avons passé la tête par la fenêtre en gueulant un franc "Viva Belgìca !" à la frontière en arrivant à Tournai. Garito... Ce joyeux luron que je me suis inventé quand ma cervelle s'était mise à dérailler pour cause de surmenage. Mais finalement, tout ça ne rime à rien. On me demande souvent depuis que je suis revenu si je ne suis pas déçu. Bien sûr que si, quelle question. Enfin non, ce n'est pas de la déception, juste peut-être l'impression de ne plus être à ma place, de l'avoir perdue. Ou simplement de me sentir comme un lion en cage dans ce plat pays où on ne voit pas les montagnes de sa fenêtre, l'horizon se limitant au village suivant, les villages étant tous si près les uns des autres...
Aujourd'hui, cette nuit plutôt, la dernière de 2013, ma dernière insomnie de cette année, je voulais juste parler de ce qui m'anime depuis mes 13 ans, l'Image. Oui, oui, avec la majuscule, c'est pas marrant sinon. En fait, ce n'est pas de l'Image (de la photo dans mon cas) qu'il s'agit ici, ce serait plutôt à propos de cette branlette perpétuelle que mon cerveau s'obstine à s'infliger, tant de coups à blanc qui l'ont fait dégringoler bien bas.
J'ai commencé la photo avec l’œil curieux de tout et n'importe quoi, le genre de gamin qui se plantait avec son appareil devant un banc et qui y trouvait une esthétique qu'aucun des passants qui me dévisageaient ne devait comprendre. Le pied intégral, quand j'y repense, un univers infini, offrant toujours de nouvelles possibilités. Et puis, petit à petit, je me suis concentré sur un style, des sujets, des ambiances, ... des limites. Pour finir comme je le suis aujourd'hui, cette nuit, à ne plus trouver le moindre de mes négatifs intéressant, car vu et revu par d'autres. Et mes cellules cérébrales commencent alors à s'astiquer, refusant d'appuyer sur un déclencheur si ce n'est pas pour se lancer sur un projet concret, quelque chose que je ne connaisse pas encore, qui puisse m'étonne quand mes négatifs sortent de ma cuve, qui puisse me faire sourire quand l'image apparait dans le révélateur.
Dans un sens, ce n'est pas tant se faire du mal, c'est juste vouloir le mieux du meilleur ou rien, et puis dans un autre, c'est ce qui me bloque depuis deux ans maintenant, ce qui fait qu'en quatre mois, j'ai du exposer 15 films, dont 13 le premier mois, lors des vendanges. C'est une raison pour se lever le matin, ou une excuse pour rester au lit. Ce qui est certain, c'est que c'est la principale cause de mes insomnies.
Autre dilemme : lorsqu'une passion se transforme en un essorage de neurones quotidien, est-ce toujours une passion ? Peut-être que c'est la preuve qu'il y a une recherche absolue derrière, comme un devoir envers soi, peut-être juste que c'est le moment de passer à autre chose. J'avais préparé de belles phrases dans ma tête, mais d'un coup, je viens de perdre l'envie d'épiloguer.
Sur ce, il doit bien rester une bière au frigo,
Guillaume."