Je vous poste un article paru dans "Le Photographe".
Le tirage noir & blanc
Une métamorphose nécessaire
Les avis sont partagés. D'un côté, comme nous l'avions signalé, les grandes expositions de la fin de l'année 2005 et des premiers mois de 2006 mettaient en évidence des beaux tirages noir et blanc et attiraient les foules. Ou encore l'ouverture de petites structures centrées sur le tirage noir et blanc ou mieux encore, aux Etats-Unis, il se dit que de nombreux amateurs se sont remis à l'agrandisseur pour tirer leur noir et blanc et sembleraient confirmer un regain d'intérêt pour ce support trop vite marginalisé auprès du grand public par le rouleau marketing et financier de la couleur. De l'autre côté de la colonne, il faut comptabiliser toutes les incertitudes liées aux disparitions ou à l'arrêt de fabrication de certains supports argentiques noir et blanc, aux incertitudes qui pèsent sur d'autres. Il faut aussi prendre en compte la situation économique des grands laboratoires professionnels qui tirent ces expositions. Or, ces derniers temps, nombre de ces structures ont été contraintes à réduire leur voilure soit en comprimant le personnel, soit ce qui n'exclut pas la précédente en fermant certaines activités. Pour en voir le cœur net, nous avons voulu avoir l'avis de responsables de ces entités dont certains ne traitent que du noir et blanc argentique, d'autres enfin qui traitent le noir et blanc et ou la couleur en argentique et en jet d'encre. Même si, comme d'habitude, nous avons des avis diamétralement opposés qui suivent la gamme des activités pratiquées et la clientèle ciblée, ils n'en sont pas moins significatifs et importants, car, selon ce que l'on recherche, ils permettent de faire le point.
Imaginoir Jean-Yves Bregand
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Lightjet 1.27 m noir et blanc baryté et couleur, pas de jet d'encre
Notre laboratoire fonctionnait beaucoup avec le marché de la photographie de mode. Elle représentait 60% du chiffre d'affaires et elle ne pèse guère plus de 20% actuellement. L'accélération de ce déclin est surtout due aux éditeurs de magazines qui imposent des baisses de tarif d'environ 50% et parallèle qui ne passe plus par le labo: le photographe fait traiter son image par son assistant qui l'envoie directement au journal. De ce fait, la qualité et le regard du tireur professionnel disparaissent, remplacés par une sorte de formatage d'images qui se ressemblent, sans véritable apprentissage culturel du regard. Peut-être que la qualité va baisser, en tout cas, un tirage argentique réalisé par un bon tireur deviendra très cher.
En ce qui concerne la disparition des gros fabricants d'émulsions, nous attendons une stabilité du marché de ceux qui restent tout en comprenant leurs difficultés.
Les ventes de noir et blanc s'orientent de plus en plus vers les expos sur lesquelles il y a une grosse concurrence des labos. Elles deviennent un enjeu promotionnel et certains prestataires font le choix de casser les prix uniquement pour signer les tirages de l'expo. Je refuse de travailler à perte. Mais malheureusement mes prévisions sont aujourd'hui en baisse, depuis 5 ans les commandes ont perdu leur rythme et il n 'y a plus de calendrier préétabli, pour les collections de mode par exemple. Pour y parer, la polyvalence des salariés qui était déjà utile autrefois devient obligatoire en fonction de la fluctuation des commandes. Nous avons rapidement considéré l'évolution du numérique et nous avons pris le parti d'investir sur la qualité en achetant une machine argento-numérique, la Lightjet, avec laquelle nous sortons aussi bien de la couleur que du noir et blanc baryte de qualité. C'est une machine à la technique très pointue peu adaptée à la faible sensibilité des papiers barytes noir et blanc, ce qui exige l'utilisation de réglages très poussés de la machine. J'estime la précision de ce système supérieure à l'agrandisseur mais on aura toujours besoin des agrandisseurs. On compose un tirage et cette manière de procéder peut passer de l'argentique au numérique. La façon d'emmener un tirage à terme sera toujours le rôle du tireur. Je ne donne pas de formation spécifique aux tireurs d'imaginoir mais j'ai un regard sur les images qui sortent et je veille aux petits détails très importants pour la finalité de l'image. Une nouvelle clientèle plus jeune et plus rare d'horizons différents vient nous voir mais avec cependant une grande exigence qualitative.
Dupon Jean-François Camp
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Lambda 130 noir et blanc baryte et couleur, Epson 9800
Dupon a réduit son effectif noir et blanc à deux tireuses sur agrandisseurs, un développement film particulièrement soigné avec un choix conséquent de révélateurs et un tireur polyvalent noir et couleur en argento-numérique ainsi qu'un salarié en jet d'encre. Le gros de leur chiffre est encore réalisé en sorties grand format Duratrans.
En noir et blanc nous souhaitons garder l'esprit de l'image de collection. L'engouement mondial autour de l'achat d'images par les collectionneurs remet cette tradition au goût du jour. Je ne peux pas imaginer un labo pro sans tirages barytes, même si cela devient très élitiste. C'est dans cet esprit que j'ai acheté le labo Arka, spécialisé dans le développement des films Scala, diapositives noir et blanc dont la société Foma doit prendre la relève d'Agfa pour la fabrication du film. La Scala est une façon différente d'appréhender l'image par rapport au numérique. Le photographe ne regarde pas son sujet de la même manière, c'est plus sélectif. Nous avons acheté un stock considérable de produit Agfa au moment de sa fermeture. Environ 4% de la clientèle devrait faire perdurer le noir et blanc baryte. La fermeture brutale des gros fabricants de surfaces noir et blanc argentiques est due à une mauvaise gestion qui les a conduits à maintenir une surproduction alors que le marché ralentissait déjà depuis un certain temps. Le paradoxe est que l'on assiste à une explosion d'expositions noir et blanc en grand format. Plus que l'Ilfochrome, le noir et blanc reste un support privilégié pour l'art. Notre ÇA noir et blanc est stable avec une très forte valeur artistique ajoutée; il n'y a plus de petits travaux en noir et blanc, c'est toujours un bel ouvrage. Depuis 7 ans, nous avons ouvert notre choix de révélateurs pour le développement des films, car là aussi la demande de qualité s'est fait ressentir mais avec une baisse de production maintenue à quelque 60 films par jour. Pour nos tireurs argentique, les expositions sont très motivantes et ils n’ont pas de désir dépasser au numérique pour l'instant. Notre noir et blanc est en train de passer du prêt-à-porter à la haute couture: le prix des matières premières augmente de manière considérable, l'exigence des clients est plus forte et les prix des œuvres en hausse imposent "l'impeccabilité" du résultat. Nous avons mis au point un système de lavage mécanique pour les grands formats noir et blanc qui assure la conservation des tirages barytes en économisant l'eau. Notre atelier d'encadrement s'est spécialisé dans les grands formats, car les marchés de l'art exigent un savoir-faire supplémentaire pour les tirages barytes grand format. De même, dans un souci environnemental, le refroidissement des machines fonctionne en circuit fermé et nous faisons récupérer tous nos produits chimiques usagés par une société spécialisée.
Central Color
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Imageur, Epson 9800
Dans les années 50, nous avions jusqu’ 'à 50 personnes au noir et blanc et nous gérions les tireurs du grand labo de Paris Match. Le noir et blanc fait partie intégrante de notre métier, sinon, on perdrait une partie de notre âme. Actuellement, notre volume noir et blanc redevient légèrement bénéficiaire, suite à une réduction du personnel et à une augmentation de nos tarifs. Les tirages barytes de qualité sont traités manuellement et les tirages RC sont traités en argento-numérique sur papier couleur. On revient à des travaux qualitatifs assez onéreux pour retrouver une certaine noblesse du noir et blanc. L'avenir des émulsionneurs est une grande inconnue. Si on veut un vrai noir et blanc, traditionnel, avec une vraie pérennité et un vrai savoir-faire de nos tireurs, les clients sauront faire la part des choses et prendre leurs décisions. Dans l'avenir, ce qui restera de l'argentique sera une "peau de chagrin ". L'utilisation des imageurs est une vraie solution pour transformer les fichiers RVB en négatif noir et blanc. On subit plus l'évolution du marché qu'on ne l'anticipe, car l'utilisation de l'argentique est liée à l'ensemble de la chaîne graphique. Mais il est hors de question qu'on abandonne l'argentique, le noir et blanc en particulier. Nous maintenons pour l'instant le tirage argentique manuel, pour ne pas perdre le lien humain et utiliser le vrai savoir-faire de nos tireurs, leur sensibilité et leur rapport de travail avec le photographe. C'est un choix stratégique aujourd'hui
La Chambre Noire
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Epson 7800
Dès 1996, en ouvrant son labo, Guillaume Geneste, tireur, a délibérément choisi sa clientèle parmi un grand éventail de photographes auteurs travaillant en noir et blanc. Il a engagé un spécialiste de l'image numérique en 2000, période depuis laquelle les tirages de lecture sont réalisés sur papier jet d'encre. Le chiffre d'affaires est stable depuis 5 ans. L'arrivée du tireur Jean-Christophe Domenech depuis quelques années a doublé la clientèle et depuis quelques mois, le chiffre est en constante augmentation. Avec trois salariés, La Chambre Noire reste flexible face aux fluctuations. Pour maintenir ses prix, il a acheté un stock important de papier Agfa, principale marque utilisée dans l'atelier tout en continuant à tester les nouveaux papiers importés. La clientèle, institutionnelle et les photographes auteurs, n'est pas concernée par la crise et au contraire, bénéficie du développement de la vente des tirages d'artistes. Pour le développement des films, 15% du chiffre d'affaires, le laboratoire joue un rôle de conseil auprès de ses clients et s'adapte à des demandes spécifiques. Jean-Christophe et Guillaume préfèrent assurer eux-mêmes l'avenir numérique et se sont déjà formés pour des sorties jet d'encre. Ils préfèrent le tirage argentique mais sont prêts à basculer le plus tard possible. Pour eux, un regard de tireur apporte la mise en valeur, le "relief" Que ce soit avec les mains ou Photoshop, c'est comparable : maquillage, valeurs et contraste au service de la photographie.
Pictoria! Service
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Lambda 130 dédiée noir et blanc baryte, Développeuse baryte modifiée Horstert 1,27 m, Epson 9600 et 9800
Philippe Gassman
Sans être radical, il faut réserver une place aux sorties jet d'encre. Le résultat diffère mais elles commencent à correspondre à la durabilité qui répond à un marché d'avenir. En effet, l'arrivée de nouvelles technologies semble offrir une durabilité régulière, contrairement à l'argentique. On suit de près l'évolution des imprimantes car c'est le marché de demain. Nous souhaitons toutefois conserver l'acquis, maintenir l'argentique. Le noir et blanc argentique qui représentait 10% il y a quelques années est maintenant à 5%. Nous maintenons ce dernier "village gaulois" et nous sommes présents du tirage de collection à l'entrée de gamme sur RC, mais nous ne maintiendrons pas le noir et blanc baryte à perte. Le marché du tirage est en repli et finira avec un ou deux acteurs. On fera tout pour être de ceux là.
Christian Strack
Pour l'instant, on mixe le jet d'encre et l’argento-numérique, de grands photographes y viennent. Des photographes comme Salgado passent d'une technique à l'autre avec beaucoup de souplesse. Actuellement, les photographes commencent à mixer les styles de sorties pour diversifier leur palette. Il y a suffisamment de demande, notamment sur les fonds patrimoniaux, pour maintenir le service argentique manuel.
Michel Vaissaud
Nos tireurs deviennent polyvalents et certains maîtrisent la saisie scanner et la retouche Photoshop. Les vieux routiers du tirage même s'ils ne cherchent pas à passer au numérique, sont à jour techniquement. Leur valeur n’est pas perdue car ils accélèrent la maturité du regard des opérateurs uniquement formés au numérique. Je voudrais dire que ce qu'a apporté Pierre Gassman à des tireurs qui travaillent encore chez nous, c'est intemporel. Ils ont la capacité d'être "en complicité" avec les photographes, quelle que soit la technique employée: donner l'énergie pour réaliser ce que veut le photographe, car seul l'œil du photographe compte
Cyclope Jean Barbier
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels
Chez Cyclope, l'essentiel de la clientèle est constitué de "photographes plasticiens", en phase avec la montée de ce marché spécifique. Je n’aime pas l'opposition de photographie à photographie plasticienne. Ce terme ne revêt rien. Ce qu'il faut distinguer, c'est la manière dont se pense le photographe.
Les clients de Cyclope ne se pensent pas photographes, ils se sentent artistes. Les savoir-faire disparaissent depuis une dizaine d'années et on assiste à un changement de statut de la photographie. Dans les années 70-80, la photo plasticienne était à des prix modiques. Maintenant, la hauteur parfois vertigineuse des prix entraîne la nécessité d'être parfait. C'est assez nouveau et Cyclope correspond à cette demande. Notre atelier d'encadrement et de collage "Deuxième œil" correspond à cette évolution où il faut tout maîtriser pour assurer l'exigence demandée. Nous revendiquons la notion d'artisanat pour chaque tirage : nous réalisons une "pièce". Depuis 10 ans, l'arrivée du numérique a privilégié la couleur, et le noir et blanc en a souffert. La nouvelle génération de photographes ne travaille plus beaucoup le noir et blanc, depuis 10 ans, le volume est passé de 50 à 25%. La majorité de notre clientèle travaille essentiellement en support argentique mais une jeune génération d'artistes travaille en numérique, voire en saisie vidéo. L'utilisation des originaux 135 est en baisse et nous assistons à une augmentation du moyen format et surtout un retour au grand format. Nous n'avons pas besoin de traiter l'argentique noir et blanc en argento-numérique car nos clients sont satisfaits du traitement manuel. Ce serait un drame que la fabrication des émulsions noir et blanc baryte s'arrête et il est triste qu'Agfa ait fermé mais nous n’avons pas les moyens d'agir sur cette production. Depuis 20 ans, le drame de la photo est d'être soumise à des décisions industrielles. Les émulsions sont fabriquées en quantités industrielles alors que le marché se focalise sur des images d'artistes. De tout temps les artistes se sont adaptés mais le formatage exigé par les industries fait craindre l'abandon qualitatif. On assistera à un retour des procédés alternatifs, du tirage platine, par exemple, mais le volume sera peut-être insuffisant pour être viable dans une entreprise. Le jet d'encre, c'est de l'impression, avec les qualités de l'offset, mais pas un tirage photographique. C'est autre chose et ça ne nous intéresse pas. Si l'on tient compte de l'étymologie du mot photographie, le traitement argento-numérique en est plus proche que le jet d'encre, car le laser écrit avec la lumière sur une surface argentique. La pollution chimique, qui est l'argument marketing préféré des pro-numérique, est facilement solutionnée par un traitement intelligent et par la récupération des produits par des sociétés de retraitement spécialisées. Certaines études scientifiques sont d'ailleurs en train de découvrir la dangerosité pour la santé des dégagements causés par le séchage des encres. On va arriver à une pénurie de tireurs de talent car la génération des tireurs argentiques de qualité a plus de 40 ans. Le tirage noir et blanc est une école du regard, un tireur qui passe directement à la couleur ne pense pas l'image comme un tireur formé d'abord au noir et blanc manuel. Les gens formés directement sur Photoshop n'ont que les capacités de tirer une "image", mais pas une photographie. Si l'on se reporte à la génération des derniers tireurs actuelle, ils sont issus d'une école artistique parisienne de l'entre deux guerres, qui était un carrefour international de talents, véritable ferment pour la photographie. En 2 ou 3 générations de tireurs, on remonte rapidement à des artistes comme Kertész, Mon Ray. C'est une valeur inestimable et certains tireurs véhiculent des regards riches de sens sans en avoir forcément conscience. Le savoir-faire doit être transmis. Un jeune formé actuellement en traditionnel pourra recueillir encore cet héritage. Et l'importance de la demande lui garantit un brillant avenir. Il y a une passation à faire. Le tireur restera, car c'est avant tout un regard entraîné qui pourra sans difficultés réaliser de beaux tirages sur imprimantes, mais ce jour-là, on aura changé de métier. On sera devenu des imprimeurs, des "impressionneurs", mais on ne fera plus de photographie. C'est un peu comme avec l'arrivée de l'offset qui a remplacé d'autres procédés d'impression de très haute qualité. Sous une domination future du jet d'encre, les photographies réalisées actuellement en argentique deviendront des objets d'art, des icônes.
Publimod/Janvier Christophe Eon
Matériel noir et blanc dédié ou polyvalent: agrandisseurs manuels, Lightjet 1,27 m en cours de transformation pour le baryte, Epson 9600 et 9800
(Les Lightjet sont des agrandisseurs numériques conçus sur le même principe que les Lambda ou les Lazerlab)
Janvier est une société qui s'implique dans la prise de vues et son traitement numérique. Cette société florissante a racheté Publimod en 2001 pour agrandir ses activités. Je conserve un espoir autour de l'argentique d'abord pour son faible coût puis à cause des différents problèmes de résultats liés au passage d'un fichier RVB au noir et blanc. Aux USA, où est réalisée une grande partie de nos travaux, beaucoup de photographes sont déçus du numérique et reviennent à l'argentique. Comme d'habitude, ça va venir en France. Depuis 4 à 5 ans, j'assiste à un retour des photographes vers l'argentique. Les clients des photographes leur ont rapidement imposé le numérique et font la loi sur les prix. Seuls les grands noms arrivent à maintenir leur prix, les autres s'écroulent. C'est une aberration et la qualité baisse. Chez Janvier, 15 à 20% des travaux correspondent à du sauvetage de shooting ratés. Le niveau technique général a baissé mais les grands noms, en général, ont un bon niveau technique numérique. Il y a une différence entre "faire des images" et "faire des photos".
Nous voulons accentuer notre service, pour que le labo soit pour les photographes, qu’ils soient dans la mode ou plasticiens. Nous avons des projets d'investissement forts pour emmener le noir et blanc argentique vers un objet de luxe. L'argentique est un métier de passionnés. Ce sont ces hommes de l'ombre qui ont participé aux plus grandes photos actuelles. La relation tireur-photographe revient car rien ne peut la remplacer. Le tireur a une âme et le photographe en a besoin. On est à la croisée des chemins. Une photographie, c'est un mélange de technique et d'humain. Une grosse prise de conscience est en train de naître. Bernard Binesti, responsable noir et blanc à Publimod, se souvient encore de la période où il était apprenti chez Picto dans les années 60 et où Man Ray venait faire tirer ses images par un tireur dédié. C'est d'ailleurs ce tireur qui avait dessiné l'entrée de Publimod. Les tireurs ont toujours été très proches de Fart et comprennent intuitivement la plupart des œuvres picturales, car ils ont été initiés par les plus grands artistes.
Même si ce métier disparaît, j'espère que le regard restera car il devient plus que jamais indispensable, surtout en période de paupérisation de l'image. Le tirage noir et blanc reste la base de la formation du regard photographique.
Marc Bruhat
- En Espagne, il y a peu de gros laboratoires. Toutefois, on trouve de petites structures dédiées au noir et blanc argentique à Madrid et Barcelone et parfois d'autres tireurs indépendants comme Carlos Barrantes à Majorque, spécialisé en tirage platine et autres procédés. Par exemple, Elena Vallhonrat, qui est à la tête d'une petite structure flexible de quatre salariés avec une clientèle d'auteurs fidèles au noir et blanc croit encore fermement au noir et blanc et fait confiance à l'avenir de cette discipline grâce au renouvellement des jeunes générations d'artistes formés à cette pratique très vivante dans les écoles espagnoles. Proposer des sorties imprimante jet d'encre n'est pas à l'ordre du jour. Et elle laisse cette activité à d'autres petites sociétés qui se multiplient actuellement.
-En Angleterre, il y a toujours de nombreux labos qui travaillent aussi fortement en noir et blanc baryte manuel et argento-numérique. Un labo qui avait beaucoup de succès était Potosi. Il était dirigé par Steve MacLeod, un ancien tireur de Métro, avec trois ou quatre anciens de Métro.
- Ils ont créé un nouveau labo, Argento, en association avec Métro. Steve MacLeod, le gérant, est un excellent tireur qui fait aussi du platine, du papier salé... A part Métro, il y a de nombreux tireurs indépendants qui travaillent en général sous leur nom: Robin Bell, Roy Snell, Karl Kalde, Adrian Ansor, Melvin Cambettie et Mike Spry qui travaillait pour Downtown Darkroom. Ce labo a été racheté parSilverprint, un distributeur de produits photo.
- En Allemagne, après avoir parlé avec quelques prestataires, il semblerait que pour eux, avec la disparition des grandes firmes, la qualité des produits argentiques baissera mais restera à un niveau acceptable.
Les petites entreprises survivront quelques décades. Parallèlement, la qualité des tirages jet d'encre augmentera et devrait dépasser la qualité argentique en quelques années. La valeur du sentiment nostalgique dans l'évaluation d'un tirage argentique ne devrait pas suffi pour garder sa présence dans le monde de l'art contemporain.
L’article a été tirée du mensuel LE PHOTOGRAPHE