
Je fais partie des gens qui aiment bien causer autour d'une image non pas pour la justifier mais pour proposer une certaine lecture.
Bon c'est vrai que du coup en parlant on impose plus qu'on ne propose, mais pour certaines photos je pense qu'un texte explicatif est parfois nécessaire dans tous les sens du terme afin de donner les informations nécessaires pour la compréhension de l'image.
Je lance donc ce fil expérimental pour tous ceux qui comme moi aiment parler autour de certaines de leurs images.

C'est parti !

Mon mur

Lorsque j'étais bébé et que je rampais encore à terre sur le seuil de ma maison, mon monde se limitait au sol et aux visages des proches que je voyais en levant la tête.
Je n'avais alors pas encore deviné sa présence.
Un jour cependant j'ai commencé à marcher et je me souviens avoir eu un grand frisson en le découvrant pour la première fois.
Ce mur, mon mur.
Une petite chaine de monts qui se dresse face à moi depuis ma naissance c'est à dire bientôt un demi-siècle, une vie pour moi alors que pour lui je ne représente même pas une seconde de sa massive, immuable et indifférente existence.
Lorsque je descends ma rue je me sens comme écrasé par la vue en plongée qui par illusion d'optique fait encore monter plus haut cette barricade. Par temps clair, le spectacle est si prenant que j'ai parfois l'impression qu'il s'agit une grande peinture en trompe l’œil plaquée sur les bords d’un mur imaginaire. Cela m'angoisse tant que je passe de longs moments à scruter l'horizon pour voir le vent léger bouger les branches des sapins les plus proches. Ouf, je suis rassuré, ça bouge, c'est réel ! C'est juste une barrière naturelle...
Enfant j'imaginais que derrière se trouvait la mer, à présent je sais que c'est la bonne direction mais par contre niveau distance il faudrait voir vraiment plus loin ! D'ailleurs c'est sans doute étrange mais sincèrement, je n'ai jamais eu envie de prendre un avion ou de monter dans une montgolfière pour voir ce qu'il y a de l'autre coté du mur.
Est-ce la peur de perdre mes illusions de tout petit, dernier vestige de mon enfance ou la peur tout court qui est à la source de cette réticence ?
A présent je m'interroge de plus en plus sur ce mur et sur le rôle qu'il a joué dans le développement de ma personnalité. A-t-il été un élément angoissant à l’origine de certaines de mes peurs les plus profondes ? A-t-il été pour moi un genre de geôlier bienveillant, un parent castrateur délimitant les limites nettes, précises et ordonnées du petit monde domestique dans lequel j'aime tant me replier ?
Au fond peu m’importe car une seule chose reste sûre; c'est que ce mur m'a construit pour le meilleur et pour le pire et que je n’imagine même pas vivre sans sa présence.
Je suis un montagnard de la plaine, un homme fait par un relief sur lequel il ne vit pourtant pas.
Écrit comme ça cela parait illogique, voire ridicule, mais peu importe, je ne suis pas à une contradiction près...
Photo prise jeudi 22 décembre
Fuji 6x9 65mm avec un retardateur agfafix pour que je sois dans l'image.
Fuji 400 Pro développée maison, scan V700 sans retouches ni masquages.