Passionnante réflexion et bravo à Eusaebius de lui avoir donné une seconde chance en ré-ouvrant un fil !
Avant de partir dans les petites recettes de cuisine (
matériel et techniques pictorialistes... 
), il faudrait peut-être revenir sur cette dimension "
élitiste" (
ou artistique, c'est selon...) qui préside à la naissance du courant en question.
Au tournant du siècle, la photographie connait un bouleversement technologique qui va la faire passer d'une "
pratique de technicien, ingénieur et chimiste" (
et de ce fait réservée à une infime minorité) à la possibilité pour un plus grand nombre de s'y adonner. Les "
pellicules et plaques industrielles" qui apparaissent à cette époque change fortement la donne. Désormais le photographe ne fabrique plus ses émulsions mais les achète "
toutes prêtes"...
Sortir la dimension "
pictorialiste" de ce contexte technologique (
et non technique...) serait commettre un hors sujet grave. Par contre, le "
phénomène de réaction" consistant à se démarquer de la pratique de masse à chaque fois qu'un bouleversement technologique apparaît dans la photographie semble AMHA beaucoup plus pertinent.
Le parallèle entre "
pictorialisme" et "
nouvelle photographie" parait évident et la réaction actuelle face au développement du numérique (
et mise à portée de tous de l'image photographique...) en est une bonne illustration. Lorsqu'on regarde l'histoire de la photographie et l'évolution de la technique, ce phénomène récurrent revient régulièrement. À chaque fois, la principale des réponses qui est donnée est un "
retour sur une pratique désuète" comme pour nier le "
progrès en marche" ou pour le moins revenir à une technologie des "happy few"...
Les "
pictorialistes tenant du nom" (
ceux de l'époque 1900 
) sont allés rechercher les optiques de Petzval ou bien les techniques pigmentaires avec le même esprit que certains se tournent aujourd'hui vers l'argentique pour se démarquer du "
numérique"... Et à chaque fois, on remet en selle les "
pictorialistes" !

Mais il serait bon de faire un peu le tri entre le "
l'art" et le cochon...

Il y a loin entre une "
gomme bichrimatée" et un filtre Instagram capable de reproduire le vignettage d'un Holga !

On peut difficilement mettre dans le même panier le retour sur une technique ancienne qui demande réellement de se remettre en situation avec toutes les difficultés que cela comporte et un ersatz qui en trahi l'esprit.
Sur ce point, le montage proposé par Bruce Hemingway et son discours est une caricature...
Désolé Georges, c'est simplement ridicule...

Ce n'est pas tant l'utilisation du capteur numérique à l'autre bout qui me heurte, mais le discours affirmant haut et fort qu'il va ainsi récupérer la "
substantifique moelle" d'une optique mythique alors que la résultante d'un tel montage (
optique calculée pour un 18x24 devant un capteur 24x36 
)
s'appuie seulement sur l'agrandissement à outrance et l'utilisation d'une portion infime de couverture optique.
Il s'agit d'un "
fake" et l'optique en question est sensée donner un flou particulier et réel en périphérie de l'image comme pour entourer le sujet d'un halo en portrait. Montée comme sur la photo présentée, on n'utilise que la partie centrale de l'optique et bien entendu le rendu si particulier de cette optique en est éliminé...

On est très loin de l'utilisation d'une optique de Petzval (
dont le diamètre de la lentille frontale serait plus grosse que le Nikon lui-même !) ou de l'Imagon et son "
diaphragme passoire".
Mais comme je le disais plus haut, cela reste du domaine des recettes de cuisine et peut-être pas de la réflexion sur le "
pictorialisme" ou de manière plus large, sur la manière de se démarquer de la photographie de son temps.
