Sous terre, ou Spéléologie... (fil ouvert, natürlich)

[Renaud LÄMMLI]

Il semble qu'un fil traitant de ce sujet n'existe pas... Je continue d'exhumer mes archives, et comme j'ai traîné dans les bas-fonds pendant plus de 20 ans, il me reste quelques photos !

Grotte de Pascaressa by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

La photo a été faite par mon ami Cesare Mangiagalli, on me voit dans un petit trou proche de chez moi, l'aven de Pascaressa. Plusieurs publications au moment de sa découverte lors de travaux sur une route en ont parlé, dont Nice-Matin et une des dernières publications de la Société Historique de Tourrettes.
Le trou est aujourd'hui fermé par une porte métallique, par sécurité : il y a une verticale de 22 m au bord de la route !
Je rajouterai sans doute des photos de ce même trou.

[Renaud LÄMMLI]

Et d'ailleurs en voici une autre :

Draperie by LAEMMLI Renaud, sur Flickr
Celle-ci, c'est bien moi qui l'ai prise ! Avec mon éternel Minolta SRT-303b, que j'ai toujours mais qui ne doit pas être si éternel : il déclenche mais sans garantie des temps. L'obturateur a été refait deux fois, la photo sous terre ça use...
Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ces formations des draperies : on a presque la finesse d'un tissu épais, une lumière forte passe au travers de la calcite. Celles-ci font plusieurs mètres de hauteur.

Coulée et draperie by LAEMMLI Renaud, sur Flickr
Ici la mère de ma fille prend la pose, se demandant sans doute si on ne pourrait pas tendre des cordes entre les draperies et la table de concrétion, étant harpiste celtique. Nous n'avons jamais tenté.

Concrétions Pascaressa by LAEMMLI Renaud, sur Flickr
Si on cherche bien, on trouvera plusieurs petits éléphants...

Toute cette série est en diapositives, sans doute de la Fujichrome. Il faudrait que j'en démonte une pour vérifier...

[laurent.c]

J'en vois même tout un troupeau, d'éléphants...
Merci pour le partage. La draperie est impressionnante !

[Niolu]

On dirait un décor de film fantastique ! Impressionnant

[Armand29]

Belle lumière pour tes photos

[Renaud LÄMMLI]

En photo en général et en photo spéléo en particulier, je n'ai jamais été une pointure... J'ai quelques photos pas trop mauvaises, mais je suis loin du niveau de Philippe Crochet ou Serge Caillault. Je ne suis qu'un modeste artisan.
Pour la lumière, j'ai souvent privilégié un équilibre entre les flashes et l'éclairage de l'acétylène, rouge-orangé. Certains photographes vont privilégier les bleus du flash, je préfère des tonalités plus chaudes, peut-être pour évoquer le côté infernal des tréfonds de la terre ? En tout cas pour réchauffer un peu ce milieu plutôt froid, sauf sous les tropiques.
Et je préfère garder une part d'ombre qui évoque le mystère de ces régions où jamais le soleil ne luit...
Évidemment il s'agit toujours de photos sur pied, en open flash, ces derniers déclenchés soit par cellules, soit manuellement selon le temps de pose.

[de PECO]

Superbe , la dernière j'adore!

[Renaud LÄMMLI]

Une de mes premières photos sous terre, il y a... un certain temps !

IMG0029 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Dans un trou facile, l'embut de Caussols qui draine les eaux de tout un plateau, voire de deux si on considère le plateau de Calern au dessus. L'eau que l'on voit passer ici ressort dans la vallée du Loup, mais le trajet souterrain est bloqué très vite par un siphon infranchissable. Il y a eu plusieurs tentatives de plongée, sans succès.

[Havoc]

"Exhumer" en effet Une spécialité apart je dirais. Je suis trop clautrophobe pour le faire mais ça doit être un monde apart. J'aime bien le dernier.

[Renaud LÄMMLI]

Un monde à part, certainement, mais parfois, quelle beauté !
Sans doute la seule photo que j'aie jamais vendue, grâce à un ami qui travaille dans l'édition : cette photo a servi dans une encyclopédie destinée à la jeunesse.

Grotte de St Marcel Ardèche by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Minolta SRT-303b, à la grotte de St Marcel d'Ardèche sur Fujichrome... J'en aurai d'autres dans ce trou, qui est magnifique.

[Renaud LÄMMLI]

Mais il faut convenir d'une chose : la spéléologie, c'est dégueulasse et je le prouve !
Ici, mon ami Dédé dont la combinaison était bleue à l'origine, se trouve dans le noir à cause du bec acétylène bouché, et son électrique a un faux contact. Il faut réparer, et un peu plus tard j'ai dû m'enlever une lentille de contact qui était aussi embourbée... C'est sportif, mais on y arrive... Le pire étant de la remettre sans rajouter encore plus de boue !

Dédé Depallens Grotte des Claris by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Dans un autre fil, je parlais de Michel Siffre (paix à son âme, il nous a quitté en août dernier...), on voit ci-dessous la montagne de déchets qu'il avait laissés dans l'aven Ollivier à l'Audibergue, dans les Alpes Maritimes, dans les années septante. Tout ceci a été sorti en 1991, sommet vaincu ici par le Spéléo Club Azur (montré ici au grand complet), mais surtout avec la participation de tous les clubs et du Comité Départemental de Spéléologie 06.
On ne voit pas le Siffrelin, il était sur place mais se montrait peu, sans doute un certain sentiment de honte. Je sais qu'il y était, je l'avais ramené chez lui à Nice ! Bon, l'époque où il avait mené ses premières expériences était différente, on avait moins conscience de la fragilité de la nature.
Par contre quand il a fait ses expériences aux Zuhéssas, le contrat stipulait bien que tout, absolument tout, devait ressortir du trou. Balai, plumeau, aspirateur...
Dépollution Ollivier 1991 SCA by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

[Renaud LÄMMLI]

"Exhumer" en effet

Pour te rassurer, cher Havoc, une photo qui pourrait avoir comme titre un vers de Victor Hugo : l'Oeil était dans la tombe et regardait Caïn...
C'est une photo que j'avais fait tirer en grand format et que j'ai eu dans ma cuisine pendant longtemps, il a fallu le regard d'un ami photographe de nature pour y voir cet œil ! Ce n'est donc pas voulu depuis la prise de vue, on ne maitrise pas tout...

Grotte de St Marcel Oeil 1985 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Il s'agit une fois de plus de la grotte de St Marcel d'Ardèche, sur pied au Minolta SRT 303b, je pense sur Ektachrome. Il y en aura d'autres dans ce trou peu ordinaire.

[Renaud LÄMMLI]

Et d'ailleurs en voici une autre, illustration parfaite de la technique de l'open-flash : l'appareil est sur pied, la difficulté étant de définir le cadrage, puisqu'on n'y voit rien... Ensuite on ouvre en pose B, avec un déclencheur à blocage pour avoir l'équivalent d'une pose T, car la suite va durer "un certain temps". Chaque opérateur va déclencher manuellement un flash électronique, ici il y a 3 éclairs successifs pour éclairer la totalité de la voûte qui est immense, donc 9 coups de flash plus celui en contre-jour. Il faut donc attendre la recharge du flash avant la séquence suivante. Et les personnages ne doivent pas bouger !
La sélection des assistants est de ce fait draconienne : ceux qui se révèlent trop agités sont simplement abandonnés sous terre, où ils errent durant des mois en poussant des hurlements... Quand le nombre d'éclairs voulu est atteint, on ferme l'obturateur et hop, c'est dans la boîte.

Grotte de St Marcel contrejour 1985 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Une autre précaution à prendre concerne le passage des métros et des bus : il faut bien se renseigner avant la prise de vue pour dégager la galerie au moment de leur arrivée ! Mais selon la mairie de St Marcel, il n'en passe plus depuis 250 000 ans.
Après plusieurs séances dans cette grotte, je voulais y retourner, mais la mairie, justement, avait décidé d'en interdire l'accès. Je voulais revenir y faire des photos avec des vélos tout-terrain qui commençaient à fleurir nos montagnes. Il y a plusieurs galeries où on pourrait faire des kilomètres en vélo sans soucis. Une idée idiote passée aux oubliettes...

[Renaud LÄMMLI]

Une autre ambiance, beaucoup plus fraîche : la glace dans le gouffre du Scarasson, qui possède (possédait ?) un glacier souterrain, terrain de jeu de Michel Siffre pour ses premières expériences en 1962. La photo ci dessous est prise en mode semi-reportage vers -100 dans le réseau '74, j'ai juste un flash déporté avec un câble sur l'appareil, un autre flash avec cellule part de dessous la glace en éclairant vers le haut pour cet effet de transparence. Aux dernières nouvelles ce réseau avait des soucis de chutes de pierres et la glace a sans doute fondu, que ceux qui ne croient pas au réchauffement global m'expliquent pourquoi !
Pour ceux que ça intéresse, il y a une étude assez poussée ici.

Glacier du Scarasson Dédé Depallens by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Minolta SRT-303b sur diapo Ektachrome. Scan maison avec un Nikon LS-40 et Vuescan que j'ai finalement réussi à mieux maîtriser...

[KawaZ]

Merci pour ce partage, ce sont des images d'archives !
Je me souviens que le guide spéléo nous avait dit que les grottes " actives" sont en perpétuel mouvement : certaines cavités se bouchent ( d'une excursion à l'autre, d'une année sur l'autre) et d'autres apparaissent.
D'ailleurs dire que la spéléologie est sans danger, c'est en partie faux: il ne faut jamais descendre quand il y a des risques météo, notamment d'orage car cela peut très vite tourner au bouillon et que des passages, cavités se remplissent d'eau totalement.
En septembre dernier nous avons visité la grotte de Betharram, nous n'avons pu visiter que l'étage supérieur, la partie inférieure avec la ballade en barque et le petit train était sous l'eau.
J'avais encore la vidéo dans le téléphone, on ne voit pas grand chose mais c'est le bruit de l'eau, comme une cascade alors que normalement cette partie est sèche. Cela dégoulinait de partout sur les plafonds :

https://youtu.be/J9k9vsGbI74?si=Ky4F6gShoqsQ5aWE

[Arno33]

Superbe, merci beaucoup pour ce partage!

[Renaud LÄMMLI]

Oui, l'eau sous terre est le plus grand danger, et dans certains trous, si le temps est incertain on n'y va pas. Je suis retourné à la grotte de la Luire dans le Vercors cet été, j'avais eu une fois l'autorisation de descendre les puits en pleine crue, mais la consigne était de ne pas s'engager dans les galeries, vers -200 m. Les spéléos locaux ont parfois fait la remontée en bateau...
Après on peut aussi y faire de la plongée, c'est encore autre chose, ça viendra plus tard...

Encore une petite photo de la grotte de St Marcel (oui, St Marcel m'harcèle !) :
Grotte de St Marcel Galerie 1985 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr
Ici il y a un mélange de lumière de flashes et d'éclairage acétylène qui donne cette tonalité rouge-orangée.

Minolta SRT-303b, Fujichrome RDP 112 (je n'ai pas retrouvé à quoi correspond ce code, il est inscrit sur le bord), quelques gros flashes et une bande de copains...

[Renaud LÄMMLI]

Je vais proposer ici une petite comparaison d'éclairage :
La première photos est prise avec des flashes synchronisés équipés d'une cellule (non, pas de dégrisement) de déclenchement. Les couleurs sont naturelles, sauf dans les parties proches de la flamme.
Antro di Corchia Diaclase 1985 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

La seconde est prise exactement au même endroit puisque l'appareil est sur pied, mais il n'y a plus qu'un flash que je déclenche après l'ouverture en pose B. La durée doit être de l'ordre d'une vingtaine de secondes, si ma mémoire ne me joue pas des tours... On se rapproche de ce qu'on voit réellement sous terre, avec ce type d'éclairage. Aujourd'hui les spéléos utilisent des éclairages électriques puissants, équilibrés "lumière du jour" et tout et tout, je ne pense pas que ça me plairait. Et puis l'acétylène on peut se chauffer avec !
Antro di Corchia Diaclase acéto 1985 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

Ces deux photos sont faites dans l'Antro di Corchia, une superbe (et énorme) cavité italienne, en Toscane, dont une des entrées se fait au milieu d'une carrière de marbre, nous sommes proches de Carrare, et ici ce n'est pas un cas rare... Certains trous dans cette zone traversent toutes les couleurs de marbres, blanc, noir, vert, rouge, veiné ou pas, malheureusement je n'ai pas pu faire des photos partout, et certains sont bien arrosés. Les spéléos aussi, avec les petits vins italiens...
Minolta SRT-303b, Fujichrome.

[Havoc]

Merci pour tout ça. C'est très rare de voire (même des photos) de première main. Avec l'histoire.

Je trouve très interessant la différence entre les deux dernières photos. L'ambiance est vraiment différente. La première donne moins le sentiment de "souterrain", c'est plus clinique comme dans un décor. Le deuxième c'est plus claustrophobe, les hommes sont plus petit, on voit que ça va plus loin mais où est-ce que ça conduit?

[Renaud LÄMMLI]

mais où est-ce que ça conduit ?

C'est souvent la question la plus passionnante, quand on découvre une nouvelle cavité ou une nouvelle grotte. On peut voir sur quelques mètres, mais ensuite ??? Ce qu'on appelle la "première", c'est à dire passer là où jamais la "main de l'Homme n'avait posé le pied", c'est encore un des rares endroits sur notre planète où on peut le faire, des fois à côté de chez soi... Je mettrai des photos d'un très beau réseau que nous avions découvert dans les années nonante, mais je ne les ai pas encore numérisées.

En attendant, prenons un peu de verticale dans un puits de 25m dans l'aven de la Glacière (Andon), qui débute, quand on le descend, par une étroiture.

Aven de la Glacière 1984 by LAEMMLI Renaud, sur Flickr

En plus de la corde sur laquelle remonte le spéléologue, on voit deux lignes parallèles : il s'agit d'un pont de câbles, fixé à l'horizontale vers le milieu du puits pour rejoindre une lucarne permettant d'accéder à un autre réseau. Sinon, au bas de ce puits, il y a un palier sur lequel j'ai installé l'appareil photo, et un puits de 30 m part de suite. Dans le haut on voit la découpe du méandre par lequel il faut passer. La lumière rouge est due au spéléo qui déclenche depuis le haut un flash orienté vers le bas. Si je me souviens, il y a ici 3 flashes : un en haut, un porté par le spéléo qui monte, je déclenche le troisième depuis le bas. Le temps de pose est assez long, 15 ou 20 secondes.
Minolta SRT-303b, Fujichrome.