Depuis mes débuts en photographie, je savais que je ne faisais pas ça seulement pour moi-même, mais aussi pour les autres.
Mais avec le temps, j'ai compris que ces "autres" devaient être des gens recherchant plus spécifiquement de la photographie. Voyez-vous, depuis 2010, je fais quelques symposiums d'arts visuel (genre d'exposition en plein air. On présente nos oeuvres pour, évidemment, les vendre) et j'ai pu constater que, même si je m'entête à participer à ce genre d'évènement, je ne suis pas à la bonne place. Les gens viennent voir des peintures, pas de la photo. D'ailleurs, j'ai été refusé à bien des symposiums car, justement, ce n'était pas de la peinture.
La photographie requiert une clientèle spécifique. Le problème, pour moi, est de la trouver!
Là où je le fais pour moi, ce n'est pas pour l'image, mais pour mon bien être. La photographie est pour moi une séance de yoga. Ça relaxe et, comme le yoga, il faut parfois prendre des poses impossible pour parvenir à faire la "photo du siècle

Ensuite, quand je tire la photo, je pense à la philosophie marxienne qui dit qu'aussitôt le travail terminé, une part de nous est ancré à l'objet ou au produit fini. Cette part de nous doit se détacher de son auteur pour être remis à un client (si je puis appeler l'acheteur ainsi). Donc, on produit pour les autres, mais une part de nous est possédé par l'autre.
Quand j'étudiais en création littéraire, un professeur nous avait dit que l'on écrit jamais pour soi, même dans un journal intime, on écrit pas pour soi. Ne va-t-on pas dire "cher journal", pour se détacher de ce que l'on va écrire? Oui, on écrit pour soi, mais pour un public cible. Si on regarde le "Journal d'Anne Frank", on ne peut que constater qu'elle savait, dès le début, que son récit était écrit pour un certain public, qu'elle n'écrivait pas pour elle-même mais pour être publié.
Si vous voulez un autre journal qui était visiblement écrit pour être publié, on a qu'à lire "Journal" de l'auteur québécois Hubert Aquin (mon auteur préféré, soit dit en passant).
Donc, si je suis déçu avec mes photos, ce n'est pas parce que je les ai fait, mais parce que je ne suis pas parvenu à trouver mon public cible. Est-ce que je devrais m'adapter afin de vendre? Je ne sais pas. Il faudrait d'abord savoir ce que ce public cible veut comme photographie. Je dois admettre que c'est là où je m'arrête car je persiste à faire de la photographie comme je le veux. C'est au public à s'adapter.
Je viens tout juste de me rappeler un extrait d'un poème que j'avais écrit il y a longtemps:
"Si vous voulez que j'arrête d'écrire,
Changez"
Probablement que je ferais pareil en photographie: Si un jour les gens s'arrachent mes photos, fort probablement que j'arrêterai d'en faire.