Dans les années 70, ceux qui utilisaient un Lubitel ou un Cosmic symbol (le Lomo de l'époque) étaient particulièrement moqués.
Je me souviens d'un grand photographe de mode qui avait fait une campagne de photos de mode en couleur pour Vogue US en utilisant un Kodak instamatic 110. Le bricolage pour synchroniser les flash de studio était assez inésthétique mais le résultat était époustouflant. Les photos pleine page au grain impressionniste étaient superbes.
Ce n'est pas la technique qui est intéressante, c'est ce que l'on en fait.
Quand je dis qu'aujourd'hui c'est plus fun d'enseigner ou d'apprendre la photo, c'est entre autre parce que le résultat est immédiat, que dans un atelier, on peut, pendant une séance de prise de vues, faire une critique de son travail et du travail des autres, que la réflexion sur l'éditing est plus simple et, je l'ai constaté, qu'on a moins d'inhibition, de timidité à montrer un travail fait en numérique.
Apprendre la composition, la lumière, c'est parfois faire des centaines de clichés autour d'un sujet. Il y a 30 ans, on ne se l'autorisait pas. Aujourd'hui on le fait sans état d'âme.
Pour finir, un de mes inspirateurs est un photographe américain Harry Callahan. Il fut élève de Moholy-Nagy à la School of Design de Chicago avant d'y revenir pour enseigner la photographie. Callahan n'a laissé quasiment aucun écrit : ni journal, ni lettre, ni note sur son enseignement. Sa méthode était d'aller se balader tous les matins dans Chicago pour y prendre de nombreuses photographies. Il passait ensuite son après-midi à faire des essais de tirage à partir des meilleurs négatifs. Au final, il ne gardait qu'une dizaine de clichés par an.
C'est sa démarche qui m'a séduite. Apprendre à regarder autour de soi. Trouver dans la quotidienneté la matière d'un geste créatif. Aller au- delà de l'apparente banalité du monde qui nous entoure. Regarder, imaginer, créer tous les jours. Et puis, une fois le cliché pris, le remettre en cause, le questionner, l'interpréter et ne garder, en fin de compte, que les images qui ont survécu à la critique implacable.
Cette séquence d'apprentissage peut se faire aussi bien en argentique qu'en numérique. Sauf qu'aujourd'hui cela coûte beaucoup moins cher d'utiliser la seconde solution
Une fois le bagage technique acquis, tant mieux si la démarche artistique amène à la photographie argentique. La photo numérique et la photo argentique sont 2 médias différents qui partagent des origines communes. On pourrait en dire autant du cinéma.