Dimanche 14 septembre 2025
De la gamme des films mis sur le marché sous la marque Rollei, la Rollei R3 est certainement l'émulsion qui affiche la plus grande ambition.
Un seul film pour couvrir tous les besoins de ISO 25 à ISO 3200, rien qu'en modulant son traitement au développement, pourquoi donc aurions-nous besoin d'un autre film dans ces conditions ?
Cette pellicule n'est sans doute que la MACO Cube, commercialisée sous un label dont le prestige lui permettrait de quitter son relatif anonymat actuel. Si l'on s'en tient aux règles qui régissent les émulsions en général, il convient de relativiser l'optimisme annoncé. Car même si les émulsions modernes permettent de s'affranchir de leur stricte sensibilité nominale, déterminée en laboratoire selon la norme ISO, et de jouer sur leur relative latitude d'exposition (sur une plage de 3 à 4 I.L.), il n'en demeure pas moins qu'une plage de 7 indices de lumination (I.L.) paraît peu réaliste, du moins si l'on désire un niveau acceptable s'agissant de la qualité de l'image. Selon les spécifications techniques fournie par Rollei, cette émulsion met en oeuvre trois couches de sensibilités différentes afin de pouvoir offrir une plus grande latitude d'exposition. Cette façon de faire n'est en rien nouvelle et déjà utilisée pour la plupart des émulsions noir et blanc disponibles sur le marché afin d'en améliorer la souplesse tant à la prise de vue qu'au traitement.
La sensibilité nominale de la Rollei R3 est annoncée pour ISO 200. L'émulsion est couchée sur un support transparent en polyester (PET), et non en triacétate comme la presque totalité des films commercialisés, qui présente une planéité quasi parfaite et offre une grande résistance au déchirement, à tel point que Rollei préconise de ne pas forcer sur l'armement en fin de film sous peine d'endommager les mécanismes de l'appareil. Ce support ne présente pas que des avantages. Etant particulièrement conducteur de la lumière, il faut prendre soin de charger l'appareil à l'ombre si l'on ne veut pas voiler les toutes premières vues en périphérie du film. Ce phénomène est accentué pour la R3 du fait de sa sensibilisation chromatique étendue en direction de l'infrarouge. J'ai pu vérifier la réalité de cet inconvénient pour avoir testé la Rollei R3 en conditions de reportage où je devais recharger l'appareil sans avoir le temps de prendre de précautions particulières (en cartouches 35mm). En revanche, en prenant soin de me tenir à l'ombre, je n'ai eu à déplorer aucun voilage sur des bobines en 120, pourtant plus aisément sujettes à tels désagréments.
Toujours s'agissant du couchage de l'émulsion, la couche anti-halo est déposée en surface de l'émulsion. C'est pourquoi Rollei préconise de recourir à un prélavage de 2 à 3 minutes avant de développer le film (couleur vert clair) afin de l'éliminer et de garantir une meilleure activité du révélateur (selon la documentation technique de ce film, l'écart de sensibilité serait d'une valeur d'I.L. selon que l'on pratique ou pas le prélavage).
Les premiers test ont été conduits autour des sensibilités d'ISO 200 et 400, qui correspondent à la sensibilité réelle de cette émulsion avec quatre révélateurs ; deux standards que sont les Kodak D76 et Agfa Photo Rodinal ainsi que deux révélateurs préconisés par Rollei (Rollei High Speed et Rollei Low Speed). Ceux-ci font l'objet de la première partie.
La deuxième série de tests permettra de vérifier le comportement de cette émulsion tant dans les basses que les hautes sensibilités annoncées. Les résultats feront l'objet de la deuxième partie.
Disons d'emblée que la Rollei R3 a du caractère. On aimera ou on détestera, mais je doute que l'on reste insensible devant son premier tirage réalisé à partir d'un négatif R3.
Vu sous l'agrandisseur avec la loupe de mise au point, la granulation est particulièrement marquée, même si son dessin est, toujours en fonction des goûts de chacun, bien dessiné. Rollei elle même est consciente de cet aspect puisque ce caractère fait l'objet d'un court paragraphe dans sa documentation technique afin de dissiper les craintes que pourrait avoir les photographes découvrant leurs tirages.
Sur la base d'agrandissements de tailles identiques, réalisés à partir de films ISO 400 développés avec le révélateur Rollei RHS, et observés à une distance normale, la granulation de la Rollei R3 est évidente. Mais celle-ci présente un dessin agréable qui donne du caractère à une image de reportage, notamment en apportant de la matière dans les ombres. Moins marqué en moyen format qu'en 35mm, ce caractère demeure toutefois visible. La granulation est moindre avec le révélateur Kodak D76, mais conserve toutefois une signature graphique.
Le Rollei RLS ramène le film sur des terrains classiques, avec une granulation bien plus discrète, mais du coup, dès lors que l'on a pris goût au graphisme qu'offre cette émulsion, on aura tendance à être déçu d'un résultat finalement banal commun (du moins pour tous ceux qui aiment avoir du grain).
Pour tirer une première conclusion, avant d'avoir pu vérifier le comportement de la Rollei R3 dans les hautes et basses sensibilités, la Rollei R3 n'entre pas vraiment en concurrence avec les émulsions de sa catégorie (Kodak Tri-X, Ilford HP5 Plus, Foma 400, etc., sans même parler des films à cristaux tabulaires). Il s'agit d'un film dont le caractère est bien affirmé et qui doit être utilisé comme tel. Si l'on aime que la granulation constitue un élément de l'image, je conseille d'aller faire un tour du côté de la Rollei R3. Utilisée avec les révélateurs Rollei RHS, Agfa Photo Rodinal ou, dans une moindre mesure, Kodak D76, pour le reportage, une photographie d'ambiance un peu lourde, un journal intime et pudique, la Rollei R3 mérite que l'on s'y intéresse (P.S. : Je suis très intéressé par les retours d'expérience sur ce film, n'hésitez pas à me contacter à ce propos.).
Les durées données sont des temps de base indicatifs préconisés par Rollei, pour un contraste normal (gamma environ 0,65) qui peuvent nécessiter un ajustement en fonction du matériel et des besoins de chaque utilisateur. Durée établie pour un traitement en petite cuve manuelle, à une température de traitement de 20°C, agitation 5 retournements toutes les 30 secondes.
Révélateur/ dilution | Sensibilité ISO | Durée de développement en minutes |
---|---|---|
Rollei R3 RHS / 1 + 7 | 100 | 9 - 13 |
200 | 10 - 14 | |
400 | 11 - 14 | |
800 | 14 - 18 | |
1600 | 18 - 22 | |
3200 | 23 - 26 | |
6400 | 29 - 32 | |
Rollei R3 RLS / 1 + 4 | 25 | 20 - 22 (24°C) |
25 | 20 - 22 (24°C) | |
50 | 21 - 23 (24°C) | |
100 | 22 - 24 (24°C) | |
200 | 23 - 25 (24°C) | |
Kodak D-76 / 1 + 0 | 200 | 10 |
400 | 14 | |
Kodak HC-110 / dil. B | 400 | 14 |
Kodak Xtol / 1 + 2 | 200 à 400 | 24 - 29 |
Ilford ID-11 / 1 + 0 | 400 | 14 |
Champion Promicrol / 1 + 14 | 400 | 14 |
400 | 10 (24°C) | |
1600 | 21 | |
1600 | 15 (24°C) | |
Champion Promicrol / 1 + 9 | 400 | 10 |
400 | 6,5 (24°C) | |
1600 | 14 | |
1600 | 9,5 (24°C) |
Article réalisé d'après une contribution de MMP