Mardi 19 mars 2024
A Wetzlar, Allemagne, au milieu du XIXème siècle, Karl Kellner est un jeune homme plein d'entrain et passionné par les lois de l'optique. Bourreau de travail et débordant d'imagination, Kellner travaille assidûment à la fabrication d'un oculaire (microscope) de précision. Arrivée à ses fin,, il propose, en 1850, son modèle au Professeur Gauss, mathématicien, astronome et physicien allemand, surnommé le « Prince des mathématiciens ». Ce modèle d'oculaire est une véritable réussite et Kellner se lance dans une production manuelle dans son presbytère de Wetzlar où est située l'entreprise « Optisches Institut ». Mais Kellner, atteint par la tuberculose, meurt à l'âge précoce de 29 ans. Sa femme se remarie avec Friedrich Belthe, collaborateur du défunt. Ce remariage fait scandale dans cette région de l'Allemagne profondément conservatrice.
L'entreprise d'optique périclite. Belthe fait alors appel à Juncker. Juncker a travaillé pendant plusieurs années chez l'horloger Matthaus Hypp. Hypp produit en série de fabuleuses pendules de précision. Juncker indique à Belthe que la personne la plus au fait de la maison Hypp est le jeune Leitz, mécanicien de son état. Belthe fait alors appel à Leitz qui rejoint la petite entreprise de Wetzlar.
Par ses connaissances en mécanique de précision et en organisation du travail, le jeune Leitz insuffle à l'entreprise un souffle nouveau. Très vite, Leitz devient associé dans l'affaire qu'il reprendra seul à son compte au décès de Belthe. L'entreprise devient « Optisches Institut Von Ernst Leitz ».
L'entreprise connait une époque prospère en raison de la multiplication des recherches sur les bacilles responsables des maladies (Pasteur, Koch). Leitz améliore sans cesse les modèles de microscopes et assure une production en grand nombre. C'est à cette époque que le fils d'Ernst Leitz, Ernst II, devient l'associé de son père. L'affaire continue de se développer et emploie 700 personnes en 1909.
La vieille maison Zeiss basée à Iena, n'apprécie guère l'émergence à Wetzlar d'un concurrent aussi sérieux.
En 1910, Oskar Barnack rencontre dans les locaux de Zeiss, Emil Mechau. Ce dernier travaille sur un projet de projecteur de cinéma supprimant le scintillement des images, scintillement désagréable et fatiguant pour les spectateurs. La maison Zeiss ne s'intéresse guère au projet de Mechau. Déçu, Mechau, sur les conseils d'un ami, se tourne vers les usines Leitz où les techniciens ont la réputation de bénéficier d'une grande liberté et de beaucoup de soutien dans leurs recherches.
A cette même époque, Ernst Leitz cherche un Chef de recherches microscopiques. Sur les conseils de Mechau, il embauche Oskar Barnack et ce, malgré sa santé fragile. Barnack est en effet asthmatique - La rencontre entre ces deux hommes s'avéra décisive dans l'histoire de l'entreprise Leitz. Très vite, Leitz et Barnack se comprennent et s'apprécient.
Barnack se plonge dans l'étude des microscopes, monde nouveau pour lui quoi s'occupait des appareils photos chez Zeiss. Barnack est photographe émérite. Mais le poids excessivement lourds des équipements de l'époque épuise sa santé fragile.
Mechau de son côté, travaille toujours sur son projet de projecteur. Pour les tests, il a besoin de films. Barnack lui propose de construire lui-même une machine plutôt que d'acheter dans le commerce une machine imprécise et chère. Leitz soutient le projet des deux comparses et la caméra est construite.
Désormais, tout évènement se déroulant à Wetzlar est filmé par Barnack. Afin de développer les films, Barnack met au point un petit appareil photo dont les caractéristiques sont identiques à la caméra. Ce petit appareil lui servira en fait de posemètre : Barnack effectue quelques photographies lorsqu'il filme. Il développe les photos et s'en sert pour ajuster les temps de développement des films. Néanmoins, Barnack ne pense qu'au cinéma. Afin de faciliter la lecture de ces bandes-tests, Barnack cherche à utiliser la largeur totale du film 35mm utilisée à l'époque uniquement à dans les caméras. Pour cela, il fabrique un nouvel appareil, l'« UR ».
Cet appareil est à la base de tout le système Leitz et se caractérise par les éléments suivants :
Cet appareil est équipé dans un premier temps d'un objectif Kino Tessar Zeiss, objectif identique à celui utilisé sur la caméra qu'il a construit pour son ami Mechau. Cet appareil est utilisé par Barnack comme un posemètre : Lors des essais de la caméra, Barnack prend quelques clichés qu'il développera avant afin de lui donner des repères pour le développement des films issus de la caméra.
Mais un jour, Barnack utilise son « posemètre » comme un véritable appareil photo. Le Kino Tessar qui équipe l'appareil s'avère flou et peu efficace. Barnack cherche alors un nouvel objectif qu'il va trouver dans le catalogue Leitz des objectives macro-photos : Le Millar 42mm qu'il va monter sur son petit jouet.
Barnack utilise beaucoup cet appareil lors de ses promenades dominicales. En effet, celui-ci s'avère être peu encombrant et léger, ce qui convient parfaitement à Barnack dont la santé reste vacillante. Il s'aperçoit également que l'agrandissement de ses films 24x36 en carte postale donne d'excellents résultats.
Barnack montre son appareil à Leitz père qui est enthousiasmé. Il décide de protéger l'appareil contre les éventuelles contrefaçons et une demande de brevet est déposée le 11 juin 1914 pour la « Liliput Kamera Barnack » dont la nouveauté réside dans le système d'armement et d'avancement couplé. Cette demande de brevet est rejetée par l'office allemand des brevets sous prétexte qu'un tel système similaire existe déjà dans les appareils antérieurs de Carl Zeiss à Iéna et de Francisque Pascal à Lyon. Seul le brevet sur l'appareil lui-même est retenu.
Ernst II Leitz s'envole dans la foulée aux Etats-Unis avec le petit appareil pour le montrer aux professionnels. Toutefois, la guerre qui éclate en Europe précipite le retour de Leitz en Allemagne.
En ces temps de guerre, l'usine Leitz tourne au ralentie et le projet de fabrication de l'UR est relégué aux oubliettes.
Au lendemain de la guerre, les temps sont durs. La situation économique de l'entreprise Leitz est préoccupante. Ernst II Leitz, qui a succédé à son père décédé en 1920, doit faire des choix. L'usine survit au grès des rares commandes et des réparations de microscopes. Ernst II Leitz envisage de reconvertir partiellement l'entreprise dans la production de ce petit appareil. L'UR n'est cependant pas commercialisable en l'état...
Barnack se lance donc dans la construction d'un prototype et se tourne vers Max Berek à qui il demande la fabrication d'un objectif plus lumineux que le Millar utilisé jusqu'ici. Berek réalise un admirable objectif baptisé « Leitz anastigmat » puis « Elmax » grâce à un agencement nouveau de cinq lentilles. Pour lui assurer une couverture sur tout le champ, Berek donne à l'objectif un foyer long de cinq centimètres. C'est ainsi qu'est née l'origine de la focale dite « normale » alors qu'en réalité elle allonge légèrement la perspective. Quelques mois plus tard, grâce aux progrès dans le domaine des verres, on obtiendra le même résultat avec quatre lentilles seulement. Cet objectif à quatre lentilles deviendra le fameux Elmar.
Ne souhaitant pas se lancer aveuglément dans l'aventure photographique, Leitz fait fabriquer manuellement une série de 31 appareils dit Leica 0 numéroté de 100 à 130. Malgré un accueil peu enthousiaste des photographes qui doutent de la possibilité d'agrandir ces petits négatifs sans perte de qualité qui souligne que le problème lié aux films conditionnés en magasins n'est pas résolu, Leitz choisit de relever le pari industriel et décide de produire l'appareil. Le nom de Leica (pour Leitz Camera) est retenu...
Au printemps 1925, à Leipzig, le Leica 1 (ou Leica modèle A) est présenté au public. L'accueil de la presse spécialisée est favorable..
Leica et les amateurs de photographie vont devoir faire face de nombreux défis : Difficultés d'approvisionnement en film, chargement des cartouches dans le noirs, faible sensibilité des films, l'obligation de développer soi-même (Leitz commercialisera le FILAR, le premier agrandisseur petit format) pour éviter de renvoyer les cartouches à Wetzlar.
Mais la légende est en marche !
1914 : Ur-Leica (Production 3) - Premier prototype Leica pour film cinéma 35mm construit par Oskar Barnack.
1925 : Leica modèle A (Production 58 735) - Premiers appareils équipé de l'Elmax (5 lentilles en 3 groupes - production entre 1000 et 3000) puis de l'Elmar 5cm f3,5 (4 lentilles en 3 groupes - production entre 365 862) - Modèle à objectif fixe. Les deux objectifs sont élaborés par Max Berek.
1926 : Leica modèle B ou Leica Compur (Production 1 710)- Appareil doté d'un obturateur central Compur. Temps de pose 1s à 1/300. Objectif Elmar 5cm f3,5.
1930 : Leica modèle C (Production 10 226) - Premier appareil à objectif interchangeable - Objectifs utilisable : Elmar 3,5cm f3,5, Elmar 5cm f3,5 et Elmar 13,5cm f4,5.
1931 : Lancement des objectifs Elmar 9cm f4 (5 lentilles en 3 groupes - production 113 479) et Hektor 7,3cm f1,9 (6 lentilles en 3 groupes - production entre 7225).
1932 : Lancement du Leica II (Production 52 509). Introduction du télémètre couplé. Leica propose deux nouveaux objectifs : L'Hektor 5cm f2,5 (6 lentilles en 3 groupes - Production 10655) et l'Elmar 10,5cm f6,3 (4 lentilles en 3 groupes - Production 3975).
1933 : Leica III (Production 76 457). Temps de pose de 1s à 1/500. Sortie de trois nouveaux objectifs : Le Summar 5cm f2 (6 lentilles en 4 groupes - Production 122 860), l'Hektor 13,5cm f4,5 (4 lentilles en 3 groupes - Production 69 731) et du Telyt 20cm f4,5 (5 lentilles en 4 groupes - Production 11 437).
1934 : Le Leica 250 permet de prendre 250 photos sans recharger l'appareil. Sortie du grand Telyt 40cm f5 (4 lentilles en 4 groupes - Production 3 360).
1935 : Leica IIIa (Production 92 687) donne une vitesse supplémentaire, le 1/1000. Sortie de deux nouveaux objectifs : Un grand angle l'Hektor 2,8cm f6,3 (5 lentilles en 3 groupes - Production 9 694) et du fameux objectif à portrait le Thambar 9cm f2,2 (4 lentilles en 3 groupes - Production 2 984).
1936 : Sortie du Xenon 5cm f1,5 (7 lentilles en 5 groupes - Production 6 190).
1938 : Leica IIIb (Production 32 705) - L'oeilleton de visée et le télémètre sont collés pour une plus grande rapidité d'utilisation.
1939 : Lancement du Summitar 5cm f2 (7 lentilles en 4 groupes - Production 57 980). Premier objectif avec lentille traitée anti-reflet.
1940 : Leica IIIc (Production 133 626) - Perfectionnement technique des mécanismes.
1948 : Modèles II, IIa et IIc (Production 10 999) achetés principalement par les troupes alliées puis par les allemands et les étrangers. Absence de vitesses lentes. Sortie du Summaron 3,5cm f3,5 (6 lentilles en 4 groupes - Production 800 019).
1949 : Sortie du Summarit 5cm f1,5 (7 lentilles en 5 groupes - Production 39 181).
1950 : Leica IIIf (Production 59 100) permet la synchronisation avec les flashs. Lancement du Summarex 8,5cm f1,5 (7 lentilles en 5 groupes - Production 4 342).
1953 : Le fameux Summicron 5cm f2 (7 lentilles en 5 groupes - Production 59 780) est lancé. 4 lentilles sont au Lanthane, verre sans thorium dans la composition duquel il entre des terres rares.
1954 : Lancement du grand angle Summaron 2,8cm f5,6 (6 lentilles en 4 groupes - Production 6 228).
1957 : Leica IIIg (Production 41 583) - Dernier appareil avec objectif à pas de vis. Viseur agrandi avec les champs des objectifs de 50mm et 90mm - Correction automatique de parallaxe. Les progrès dans les verres optique permettent à Leitz de proposer l'Elmar 5cm f2,8 (4lentilles en 3 groupes - Production 27 357).
1958 : Sortie de plusieurs objectifs : Le Super Angulon 21mm f4 (9 lentilles en 4 groupes - Production 1 469), le Summaron 3,5cm f2,8 (6 lentilles en 4 groupes - Production 5 289), le Summicron 3,5cm f2 (8 lentilles en 2 groupes - Production 577), l'Elmarit 9cm f2,8 (5 lentilles en 3 groupes - Production 2 067) et le Summicron 9cm f2 (6 lentilles en 5 groupes - Production 490).
1960 : Sortie de l'Elmar 13,5cm f4 (4 lentilles en 4 groupes - Production 3 282).
Article réalisé d'après une contribution de TheMaxou